La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution du 11 décembre 2010;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°025-013/PRT du 31 juillet 2013, le Président de la Transition saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de conformité à la Constitution de la loi n°2013-008 du 30 juillet 2013 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2012-014 du 26 juillet 2012 portant création d’une Chambre spéciale dénommée « Cour Electorale Spéciale » (CES) au sein de la Haute Cour Constitutionnelle, ladite loi ayant été adoptée par le Congrès de la Transition et le Conseil Supérieur de la Transition en leurs séances respectives du 29 juillet 2013 et du 26 juillet 2013 ;

En la forme :

Considérant que la saisine, introduite conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, est régulière en la forme et doit être déclarée recevable ;

Au fond :

Considérant que la loi, actuellement soumise à l’examen de contrôle de constitutionnalité, a pour objet de modifier et de compléter les dispositions des articles premier, 2, 3 et 6 de la loi n°2012-014 du 26 juillet 2012 ;

Considérant que l’article premier nouveau de la loi précise que la Feuille de route constitue la base juridique de la mise en place des institutions de la transition et que la Cour Electorale Spéciale cesse d’exister, non seulement dès l’épuisement du contentieux des élections, mais aussi dès la proclamation des résultats définitifs y afférents ;

Considérant que par sa décision n°15-HCC/D3 du 26 décembre 2011, la Haute Cour Constitutionnelle, tout en affirmant en ses motifs la suprématie de la Constitution a pris acte en son dispositif, de l’insertion dans l’ordre juridique interne, par le biais de la loi n°2011-014, de la Feuille de route signée par les acteurs politiques malgaches le 17 septembre 2011 ;

Qu’une fois insérée comme loi de l’Etat parmi les autres normes juridiques pendant la transition, la Feuille de route contient des règles impersonnelles, de portée absolue et obligatoires ;

Considérant dès lors que les normes juridiques qui régissent la transition incluent à la fois les dispositions de la Constitution de la IVème République, notamment celles qui demeurent applicables en période de transition et en particulier les dispositions transitoires et diverses du Titre VII, et la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar ;

Considérant que la Feuille de route, en son paragraphe 11, a prescrit la nécessité de la création de la Cour Electorale Spéciale à titre exceptionnel et provisoire et que par la suite, la loi n°2012-014 portant création de la Cour Electorale Spéciale comme étant une chambre spéciale au sein de la Haute Cour Constitutionnelle, a été adoptée et ce, conformément aux dispositions transitoires de la Constitution en son article 166 ;

Considérant que c’est ainsi que la loi n°2012-014 sus évoquée a été déclarée conforme à la Constitution suivant la décision n°13-HCC/D3 du 25 juillet 2012 de la Haute Cour Constitutionnelle ;

Considérant en outre que la délimitation de la durée des fonctions de la Cour Electorale Spéciale à l’article premier nouveau de la loi, rentre en harmonie avec les dispositions du paragraphe 11 de la Feuille de route énonçant que la Cour Electorale Spéciale est chargée du contentieux électoral et de la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielle et législatives ;

Considérant en conséquence que la reformulation de l’article premier apportée par la loi soumise au contrôle n’entre pas en violation de la Constitution ;

Considérant ensuite que l’article 2 nouveau concerne la recomposition et l’élargissement des membres de la Cour Electorale Spéciale ; que celle-ci est désormais composée de dix-neuf membres comprenant six magistrats en activité, dix personnalités désignées par les entités signataires de la Feuille de route en raison de leur compétence juridique, un Haut Conseiller à la Haute Cour Constitutionnelle, un administrateur civil et un enseignant chercheur ;

Considérant que selon l’exposé des motifs de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité, de telles modifications répondent à une mesure de confiance autour de laquelle s’articulent les éléments de tout processus électoral ;

Considérant que les changements apportés à l’article 2 nouveau de la loi relèvent de l’exigence de représentativité nécessaire au renforcement de la crédibilité et de la transparence des résultats des élections et ce, en vue de l’acceptabilité des résultats des élections par tous ;

Que de telles dispositions ne sont pas contraires aux principes constitutionnels ;

Considérant par ailleurs qu’aux termes des dispositions de l’article 3 nouveau de la loi : « Le président de la Cour Electorale Spéciale est élu par les membres de la Cour, parmi les magistrats de premier grade la composant » ;

Considérant que cette modification a été adoptée au motif qu’il importe d’éviter toute confusion entre les compétences et les responsabilités de la Haute Cour Constitutionnelle d’une part et de la Cour Electorale Spéciale d’autre part ;

Considérant que si d’une part, l’élection du Président de la Cour Electorale Spéciale répond à l’exigence des règles démocratiques, d’autre part, elle vient consolider l’indépendance de la juridiction spéciale ;

Qu’il en ressort que les dispositions de l’article 3 nouveau de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité ne sont pas contraires à la Constitution ;

Considérant enfin que l’article 6 nouveau de la loi, au lieu d’établir une liste exhaustive des mandats et fonctions incompatibles avec le mandat de membre de la Cour Electorale Spéciale, énonce plutôt un principe général selon lequel : « Le mandat de membre de la Cour Electorale Spéciale est incompatible avec celui de membre d’une institution de l’Etat, ainsi qu’à tout mandat public et électif » ;

Considérant que de telle modification, non seulement garantit l’indépendance et l’impartialité des juges électoraux mais aussi contribue au respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs ;

Qu’alors, les dispositions de l’article 6 nouveau de la loi demeurent conformes à la Constitution ;

En conséquence,
D é c i d e :

Article premier.- La loi n°2013-008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2012-014 du 26 juillet 2012 portant création d’une chambre spéciale dénommée « Cour Electorale Spéciale » (CES) au sein de la Haute Cour Constitutionnelle, est déclarée conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le jeudi premier août l’an deux mil treize à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
M IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – doyen
M RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.