La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution du 11 décembre 2010;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle;
Le rapporteur ayant été entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;

Considérant que par lettre n°31-013/PRT du 12 août 2013, le Président de la Transition saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour lui soumettre au contrôle de conformité à la Constitution l’ordonnance n°2013-002 portant loi organique modifiant et complétant certaines dispositions de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la quatrième République ;

EN LA FORME

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, les ordonnances sont soumises obligatoirement à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution ;

Considérant que la saisine, introduite par le Président de la Transition, régulière en la forme, doit être déclarée recevable ;

AU FOND

I-De l’objet de l’ordonnance :

Considérant que l’ordonnance, objet de l’actuel contrôle de constitutionnalité, porte sur les modifications des dispositions de l’article 9 de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 ;

Considérant que selon les dispositions de l’ordonnance précitée, la candidature à l’élection présidentielle peut faire l’objet de retrait volontaire ou d’une révision par la Cour Electorale Spéciale (CES) dans les conditions ci-après :

1- Sur le retrait volontaire de candidature :

Considérant que le retrait volontaire de candidature s’effectue sur la demande du candidat, déposée au greffe de la Cour Electorale Spéciale dans un délai de huit jours, au plus tard, à compter de la date de publication de l’ordonnance ;

Qu’en ce cas, le candidat peut présenter un candidat de remplacement et que le dossier de candidature de remplacement doit être joint à la demande de retrait, sous peine d’irrecevabilité ;

2- Sur la demande en révision de la liste des candidats :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 9-3 de l’ordonnance soumise à l’examen de constitutionnalité, la demande en révision de la décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 arrêtant la liste des candidats à l’élection du premier Président de la quatrième République, est admise dans l’un des trois cas suivants : décision rendue sur des pièces fausses, fausse information résultant des pièces du dossier ou anomalies de la décision dans l’application ou l’interprétation de la loi;

Que la demande en révision est ouverte à tous les candidats déclarés éligibles par la décision de la Cour Electorale Spéciale sus citée, aux Chefs des Institutions et aux Présidents des organes de la transition prévus par la Feuille de route ainsi qu’aux signataires de la Feuille de route;

Que les demandes en révision doivent être motivées et parvenir à la Cour Electorale Spéciale dans un délai de deux jours au plus tard après la publication de l’ordonnance ; que la Cour Electorale Spéciale statue sur le fond de ces demandes dans un délai de trois jours au plus tard après sa saisine, dans le strict respect des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en vigueur relatives aux conditions d’éligibilité des candidats et de recevabilité des dossiers de candidatures;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 9-5 de l’ordonnance, en cas d’annulation de candidature suite à une demande en révision, le candidat peut présenter un candidat de remplacement qui doit déposer son dossier dans un délai de trois jours au plus tard à compter de la décision de révision ;

3- Sur les dispositions communes :

Considérant que selon l’article 9-6 de l’ordonnance objet du contrôle de constitutionnalité, dans tous les cas, les dossiers de candidature doivent remplir les conditions précisées par les articles 5 et suivants de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 et qu’aucune autre candidature n’est recevable à l’exclusion des éventuelles candidatures de remplacement ;

Considérant que la Cour Electorale Spéciale doit statuer sur la candidature de remplacement dans un délai de quarante huit heures après le dépôt de dossier de candidature ; que la nouvelle liste des candidats doit être publiée immédiatement ;

Que la Cour Electorale Spéciale notifie les décisions qu’elle a prises à la Commission Electorale Nationale Indépendante pour la Transition afin de permettre à cette dernière de prendre des dispositions appropriées ;

Considérant enfin que par dérogation aux dispositions de la Feuille de route et du Code électoral, les fonctionnaires d’autorité ou les autorités politiques, candidats de remplacement, doivent démissionner de leurs fonctions au lendemain de la décision de la Cour Electorale Spéciale acceptant leur candidature et qu’en outre, tout candidat est autorisé à modifier les caractéristiques à apposer sur le bulletin unique, dans un délai de huit jours au plus tard à compter de la publication de l’ordonnance ;

II-De la légifération par voie d’ordonnance :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 88-1° de la Constitution, les règles relatives à l’élection du Président de la République relèvent d’une loi organique ; que de telles règles ont fait l’objet des dispositions de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 ;

Considérant qu’en dehors des sessions du parlement de transition, le conseil ,des ministres a pris une ordonnance modifiant et complétant la loi organique sus citée pour permettre le retrait volontaire de candidature ou la révision de la liste des candidats déjà établie par la Cour Electorale Spéciale par sa décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 ;

Considérant que de telles mesures sont destinées principalement d’une part, à renforcer la crédibilité du processus électoral et d’autre part, à éclaircir la compétence de la Cour Electorale Spéciale ;

Considérant que la présente ordonnance est prise en application des dispositions de l’article 88-1° de la Constitution qui renvoie à une loi organique pour la fixation des règles relatives à l’élection du Président de la République ;

Considérant qu’en vertu de l’article 165 de la Constitution, en son titre VII sur les dispositions transitoires et diverses, les lois d’application de la Constitution peuvent être prises par voie d’ordonnance ;

Considérant qu’ensuite, tel que prescrit par le paragraphe 9 de la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar, des ordonnances peuvent être prises pour les matières relevant du processus électoral ;

III-De la délimitation constitutionnelle et légale de la compétence de la Cour Electorale Spéciale

1- En ce qui concerne la demande en révision :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 32, en son alinéa premier, de la loi n°2012-015 du 1er août 2012 : « La Cour Electorale Spéciale est compétente pour connaître de toute requête en contestation qui pourrait s’élever tant au sujet des actes qui constituent les préliminaires des opérations électorales que tous ceux qui ont trait au déroulement du scrutin » ;

Considérant d’emblée que la loi n°2012-015 du 1er août 2012 n’a pas clairement fixé les conditions et modalités du recours à l’encontre des actes préliminaires des opérations électorales ;

Considérant que dans la mesure où la Cour Electorale Spéciale exerce la plénitude de compétence de la Haute Cour Constitutionnelle en matière électorale, les dispositions de l’article 43 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle, en son alinéa 3 aux termes desquelles : « Les arrêts, décisions et avis de la Haute Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucune voie de recours ; ils sont signés, en minute, par le président et le greffier en chef », en l’absence de distinction et de précision sur la nature de l’acte pris par l’institution, semblent exclure le droit de recours aux fins d’une révision de l’acte établissant la liste des candidatures à l’élection présidentielle ;

Qu’alors, en droit, une institution juridictionnelle, selon le cas, peut édicter aussi bien des décisions unilatérales administratives que des décisions juridictionnelles, les premières étant revêtues de l’autorité de la chose décidée, donc susceptibles de recours et révocables, tandis que les secondes sont revêtues de l’autorité de la chose jugée, donc irrévocables ;

Considérant qu’il importe en tout temps de garantir le principe cardinal de l’Etat de droit consacré par l’article premier de la Constitution comme fondement de la République et aussi le principe du droit de se faire rendre justice tel que prescrit par l’article 13, alinéa 5, de la Constitution permettant à toute personne concernée d’exercer un recours effectif devant une juridiction ;

Considérant que la présente ordonnance est dès lors prise au respect des dispositions constitutionnelles sus citées et est destinée en conséquence à renforcer la sécurité juridique par l’organisation des conditions et modalités liées à l’exercice effectif et concret du droit à un recours juridictionnel à l’encontre des actes préparatoires des opérations électorales ;

Considérant que par son objet, l’acte établissant la liste des candidatures à l’élection du premier Président de la quatrième République constitue une étape du processus électoral que l’on peut rattacher aux actes préliminaires énoncés par l’article 32, alinéa premier, de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 9.3 nouveau, alinéa 5, de la présente ordonnance, soumise au contrôle de constitutionnalité : « La Cour Electorale Spéciale statue sur le fond de ces demandes dans un délai de trois jours au plus tard après sa saisine, dans le strict respect des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en vigueur relatives aux conditions d’éligibilité des candidats et de recevabilité des dossiers de candidature » ;

Considérant en premier lieu, que le délai ci-dessus fixé, en rapport avec l’objet de la contestation et la nature du contrôle qu’effectue la Cour Electorale Spéciale ne porte pas atteinte aux garanties procédurales essentielles ;

Considérant en second lieu, que la présente ordonnance tend à fixer les normes de référence du contrôle effectué par la Cour Electorale Spéciale sur la décision n°01-CES/D du 3 mai 2013, en l’occurrence les dispositions de l’article 46, alinéa premier, de la Constitution relatives aux conditions de nationalité, de jouissance de droits civils et politiques, d’âge et de résidence, les dispositions des articles 5, 6 et 8 de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 traitant respectivement des conditions d’éligibilité, d’inéligibilité et des pièces à fournir pour la candidature ;

Considérant dès lors que la révision de la décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 relève de la double exigence du respect des conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle et de celui des conditions de fond et des formalités rattachées à la recevabilité des dossiers de candidature ;

2- En ce qui concerne le retrait volontaire de candidature :

Considérant dès l’abord qu’aux termes des dispositions de l’article 7 de la Constitution : « Les droits individuels et les libertés fondamentales sont garantis par la Constitution et leur exercice est organisé par la loi » ;

Considérant qu’en application dudit article 7 et aussi de l’article 15 de la Constitution, le droit de se porter candidat aux élections et le droit de retirer sa candidature aux élections rentre dans la catégorie des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution ;

Considérant que ces droits relèvent de la démocratie qui institue, avec le principe de l’Etat de droit, le fondement de la République aux termes des dispositions de l’article premier de la Constitution ;

Que le droit de se porter candidat aux élections et le libre retrait de candidature ne rentrent pas en violation des dispositions constitutionnelles ;

3- En ce qui concerne la possibilité de remplacement de candidature :

Considérant que les dispositions de la présente ordonnance permettent le remplacement de candidature tant en cas de retrait volontaire qu’en celui d’une décision de révision de la liste de candidatures ;

Considérant que de telle mesure, d’une part, demeure en harmonie avec l’objectif d’une bonne administration de la justice et, d’autre part, est en accord avec les principes participatif et inclusif requis par la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar ;

Considérant qu’ainsi les dispositions de l’ordonnance relative au remplacement de candidature ne rentrent pas en violation des dispositions de la Constitution ;

En conséquence,
D é c i d e :

Article premier.- L’ordonnance portant loi organique modifiant et complétant certaines dispositions de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la quatrième République, est déclarée conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi douze août l’an deux mil treize à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
M IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – doyen
M RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.