La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’Ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Le rapporteur ayant été entendus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°025-PRM/14 du 29 décembre 2014, reçue au greffe le 30 décembre 2014, le Président de la République saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour soumettre au contrôle de conformité à la Constitution, préalablement à sa promulgation, la Loi organique n°2014-034 modifiant certaines dispositions de l’ordonnance n°2014-001 portant loi organique fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée nationale ;

EN LA FORME

Considérant que la saisine introduite par le Président de la République et conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, doit être déclarée recevable ;

Considérant que les Députés membres de l’Assemblée Nationale disposent du pouvoir d’amendement de tout texte à valeur législative et donc d’une Ordonnance ;

AU FOND

Concernant l’amendement de l’article 11 alinéa premier de l’Ordonnance N°2014-001

Considérant que l’article 73 de la Constitution dispose en son troisième alinéa que « aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive » ;

Considérant qu’une loi organique ne peut aller au-delà des dispositions constitutionnelles ; que la Constitution permet expressément que le Député soit poursuivi en dehors des sessions, et se borne à prévoir que dans cette hypothèse, il ne pourra être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau ; que la Loi fondamentale limite strictement l’inviolabilité parlementaire à l’arrestation du Député hors session et n’évoque pas le cas de l’enquête préliminaire ;

Considérant que l’article 73 alinéa 3 évoque le cas des poursuites antérieurement autorisées par l’Assemblée et celui des condamnations définitives, ces derniers doivent figurer dans l’article 11 de la Loi organique n°2014-034 ;

Concernant l’amendement de l’article 31 de l’Ordonnance n°2014-001
Considérant que le cas de la mise en place d’une commission mixte paritaire issue de l’Assemblée Nationale et du Sénat est strictement délimité par l’article 96 alinéa 2 de la Constitution ;

Qu’en conséquence, l’article 31 de la Loi organique n°2014-034 n’est pas conforme à la Constitution ;

Concernant l’abrogation de l’article 12 de l’Ordonnance n°2014-001
Considérant que l’inviolabilité parlementaire est un privilège qui a seulement pour but d’interdire au Gouvernement, par l’intermédiaire du Parquet, maître des poursuites pénales, de faire pression sur les Députés ou de les empêcher de siéger ; que l’article 73 alinéa 2 de la Constitution ne met le Député à l’abri que des poursuites pour les crimes et délits, mais n’interdit pas les poursuites civiles ou contraventionnelles ;

Qu’en conséquence l’abrogation de l’article 12 de l’Ordonnance n°2014-001 n’est pas conforme à la Constitution ;

Concernant l’abrogation de l’article 22 de l’Ordonnance n°2014-001
Considérant que l’article 41 alinéa 2 de la Constitution rend obligatoire une déclaration de patrimoine par toutes les personnalités membres des institutions de l’Etat énumérées par l’article 40 de la Loi fondamentale, dont les Députés membres de l’Assemblée Nationale ;

Qu’en conséquence une abrogation intégrale de l’article 22 de l’Ordonnance n°2014-001 n’est pas conforme à la Constitution ;

Concernant l’abrogation de l’article 32 alinéa 3 de l’Ordonnance n°2014-001
Considérant qu’une commission parlementaire d’enquête permet à une Assemblée, au titre du contrôle de l’action gouvernementale, de recueillir des éléments d’information sur des faits précis ; qu’une Assemblée peut créer une commission d’enquête, en adoptant une proposition de ses membres ; que, pour respecter le principe de la séparation des pouvoirs posé par le Préambule de la Constitution, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, aucune enquête parlementaire ne peut être menée sur des faits faisant l’objet d’une procédure judiciaire en cours ;

Qu’en conséquence, l’abrogation de l’article 32 alinéa 3 de l’Ordonnance n°2014-001 n’est pas conforme à la Constitution ;

En conséquence
Décide :

Article premier.- Les alinéas 3, 4 et 10 de l’article premier de la Loi organique n°2014-034 sont déclarés non conformes à la Constitution.

Article 2.- Tous les autres alinéas du même article sont déclarés conformes à la Constitution.
Article 3.- L’abrogation des articles 12, 22, 32 alinéa 3 de l’Ordonnance n°2014-001 par l’article 2 de la Loi organique n°2014-034 est déclarée non conforme à la Constitution. Les autres abrogations sont conformes à la Loi fondamentale.
Article 4.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi vingt-huit janvier l’an deux mille quinze à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haut Conseiller – Doyen
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haut Conseiller
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Mr RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haut Conseiller
Mr DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.