La Haute Cour Constitutionnelle;

Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par requête en date du 03 juillet 2015, reçue au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le même jour , les Syndicats et Délégués du personnel de la compagnie Air Madagascar, ayant pour Conseil Maître Willy RAZAFINJATOVO , avocat au Barreau de Madagascar, demandent à la Cour de céans de procéder à l’annulation de décisions administratives ainsi qu’ à la cessation de poursuites judiciaires à l’encontre de quelques employés de ladite compagnie , et de déclarer inconstitutionnelles les décisions prises par le ministère de tutelle et la Direction générale de l’Air Madagascar bafouant le droit de grève des travailleurs ;

Considérant que les requérants exposent que la grève est un droit reconnu par la Constitution qui dispose en son article 33 : « le droit de grève est reconnu sans qu’il puisse être porté préjudice à la continuité du service public ni aux intérêts fondamentaux de la Nation »
Que, selon les même requérants, le licenciement des membres du Syndicat et délégués des employés, suite à une grève, est illégal et transgresse les dispositions de l’article 31 de la Constitution qui prévoit que : « L’Etat reconnait le droit de tout travailleur de défendre ses intérêts par l’action syndicale et en particulier par la liberté de fonder un syndicat. L’adhésion à un syndicat est libre
»;

Considérant qu’en application des dispositions, tant de l’article 118 de la Constitution que de l’article 41 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute Cour Constitutionnelle, les requérants n’ont pas qualité à saisir directement la Cour de Céans à défaut d’une décision de justice de surseoir à statuer suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée au niveau d’une juridiction compétente;
Que la procédure d’exception d’inconstitutionnalité est développée par les dispositions de l’article 39 de l’ordonnance précitée ainsi libellé : « La partie qui a soulevé l’exception d’inconstitutionnalité devant une juridiction statuant sur un litige la concernant doit saisir la Haute Cour Constitutionnelle par requête, après la décision qui surseoit à statuer ;
La requête est déposée, en double exemplaire, au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle dans le délai d’un mois à compter de la décision. Elle n’a pas d’effet suspensif………..
» ;

DU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITE PAR VOIE D’ACTION

Considérant que la Constitution de la Quatrième République prévoit deux procédures possibles de contrôle de constitutionnalité des lois ; que la première d’entre elles, prévue par les articles 116.1, 117 et 118 alinéa premier de la Constitution, est le contrôle par voie d’action ou contrôle objectif ; que ce contrôle objectif est une action directement intentée contre la loi pour obtenir son annulation devant une juridiction spécialisée dans le contrôle de constitutionnalité, en l’occurrence la Haute Cour Constitutionnelle ;

Considérant que l’initiative du contrôle de constitutionnalité par voie d’action prévue par la Loi fondamentale est une saisine semi-ouverte de la Haute Cour Constitutionnelle ; que cette dernière ne peut être saisie que par les autorités expressément désignées par les articles 117 et 118 de la Constitution, en l’occurrence le Président de la République, un Chef d’Institution ou le quart des membres composant l’une des assemblées parlementaires ou les organes des collectivités territoriales décentralisées ou le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de droit;

Considérant que les Syndicats et Délégués du personnel d’Air Madagascar, personnes morales et physiques de droit privé, ne font pas partie des autorités susmentionnées ;

DU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITE PAR VOIE D’EXCEPTION

Considérant que selon l’article 118 alinéa 2 de la Constitution : « Si devant une juridiction, une partie soulève une exception d’inconstitutionnalité, cette juridiction sursoit à statuer et saisit la Haute Cour Constitutionnelle qui statue dans le délai de un mois » ; que l’exception d’inconstitutionnalité constitue ainsi pour le juge du procès une question préjudicielle ; qu’elle est le droit reconnu à toute personne, physique ou morale, qui est partie à un procès de soutenir qu’une disposition législative n’est pas conforme à la Constitution ou porte atteinte aux droits et libertés que la Loi fondamentale garantit ; que l’exception d’inconstitutionnalité permet l’accès des sujets de droit à la Haute Cour Constitutionnelle, un accès indirect, par l’intermédiaire des instances de jugement ;

Considérant que, en droit, le terme juridiction désigne un tribunal pris en tant que service public de l’Etat ayant pour fonction de juger les différends qui lui sont déférés, y compris les « juridictions arbitrales » ; que cependant, hormis la Haute Cour Constitutionnelle, l’article 106 de la Constitution reconnaît en tant que juridiction la Cour Suprême, les Cours d’appel et les juridictions qui leur sont rattachées ainsi que la Haute Cour de Justice ; que l’exception d’inconstitutionnalité doit être soulevée au cours de l’instance et qu’il appartient à la juridiction du procès de surseoir à statuer ;

Considérant qu’aucune décision de justice ayant sursis à statuer conformément aux dispositions de l’article 39 précité n’est jointe à la requête introduite devant la Cour de Céans ;

Qu’il échet de déclarer la requête irrecevable ;

Considérant qu’en tout état de cause, la Haute Cour Constitutionnelle ne dispose que de compétences d’attribution strictement prévue par les articles de la Constitution ; que certaines demandes des requérants relèvent des compétences des juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire ;

En conséquence,
la Haute Cour Constitutionnelle
décide que :

Article premier.- La requête des Syndicats et Délégués du personnel d’Air Madagascar n’est pas recevable.

 

Article 2.- Les demandes des requérants doivent être portées devant les juridictions compétentes, pour y soulever éventuellement une exception d’inconstitutionnalité.

Article 3.- La présente décision sera notifiée à Maître Willy RAZAFINJATOVO, Conseil des Syndicats et Délégués du personnel d’Air Madagascar et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi huit juillet l’an deux mil quinze à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haut Conseiller-Doyen
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haut Conseiller
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haut Conseiller
Mr. DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.