La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi n°2003-044 du 28 juillet 2004 portant Code du Travail ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

1. Considérant que par lettre n° 111-PRM/SG/DEJ-15 du 22 décembre 2015, Le Président de la République, conformément aux dispositions de l’article117 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de constitutionnalité, préalable à sa promulgation, de la loi n°2015-040 portant orientation de la Politique Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (PNEPF);

2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, La Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ;

3. Que selon l’article 117 de la loi fondamentale, « Avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;

4. Qu’ainsi, ladite loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité et que la saisine introduite par le Président de la République doit être déclarée recevable ;

AU FOND

5. Considérant que l’article 23 alinéa 2 de la Constitution dispose que « l’Etat s’engage à développer la formation professionnelle » ; qu’aux termes de l’article 27 alinéa premier de la Loi fondamentale, « le travail et la formation professionnelle sont, pour tout citoyen, un droit et un devoir » ;

6. Considérant qu’aux termes de l’article premier de la loi soumise à contrôle, « la présente loi fixe l’orientation de la Politique Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle et détermine les principes directeurs, le pilotage, l’organisation et les résultats attendus de cette politique en vue de la création d’emplois décents et de la progression des emplois formels et modernes » ; que selon son article 2, « la présente loi vise la mise en œuvre d’une politique de création massive d’emplois et la promotion de la formation professionnelle » ; qu’en conséquence, la loi n°2015-040 est une application des droits fondamentaux énumérés au considérant 5 ;

7. Considérant cependant que ladite loi déclare :

– en son article 4, premier tiret, qu’elle s’applique « …à tous les dispositifs non formels et informels d’acquisition de compétences… », et

– en son article 5, alinéa 2, qu’elle s’applique également « …à tous les modes non formels ou informels d’acquisition des compétences au plus proche de la situation de travail … » ;

8. Considérant que si l’existence et l’ampleur du secteur informel ne peuvent être ignorées, lui accorder la possibilité de dispenser une formation technique et professionnelle valable pouvant aboutir à la délivrance d’un certificat reconnu ou validé par le ministère concerné, entre en contradiction avec un certain nombre de lois qui tendent à inciter à la régularisation de tous les emplois relevant de ce secteur ; que le secteur informel renvoie à l’ensemble des activités économiques qui se réalisent en marge des législations pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la Comptabilité Nationale, donc à toute régulation de l’Etat ; que ce secteur se caractérise par l’absence de reconnaissance juridique ;

9. Considérant qu’en particulier, l’article 193 du Code du Travail réserve le droit d’assurer la formation professionnelle à « l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics, les établissements d’enseignements publics et privés, les associations, les organisations professionnelles ainsi que les entreprises » ; que la dimension informelle de la formation doit ainsi être définie comme l’échange spontané de connaissances, le partage du capital de connaissances dont disposent les personnes de manière non institutionnalisée mais dans le cadre d’une entité ou structure juridiquement reconnue ;

10. Considérant que toute autre interprétation des articles 4 et 5 de la loi déférée est contraire à la Constitution ;

11. Considérant les articles 22, 23 alinéa 2 et 27 de la Constitution, les autres dispositions de la loi n°2015-040 ne sont en rien contraires à la Constitution ;

En conséquence
Décide

Article premier.– Sous les réserves d’interprétation énoncées à l’endroit des articles 4 et 5 dans les considérants 7, 8, 9 et 10, la loi n°2015-040 portant orientation de la Politique Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (PNEPF) est déclarée conforme à la Constitution.

Article 2– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi trois février l’an deux mil seize à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haut Conseiller-Doyen ;
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller ;
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haut Conseiller ;
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller ;
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle ;
Mr. DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.