La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 fixant  les règles relatives au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;

Vu les procès-verbaux n°003-02-SP-16-L et n°004-02-SP-16-DV relatifs à l’examen du Règlement intérieur du Sénat ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie le 12 février 2016 par le Président du Sénat par lettre N°01/16/SENAT/P reçue et enregistrée au greffe le même jour, pour soumettre au contrôle de conformité à la Constitution, conformément aux dispositions de l’article 117 in fine de la Constitution, l’arrêté n°001-2016 – SENAT/P portant refonte de l’arrêté n°027-2008 du 06 mai 2008 portant règlement intérieur du Sénat ;
  1. Considérant que selon l’article 117 in fine de la Loi fondamentale, « Le règlement intérieur de chaque Assemblée est soumis au contrôle de constitutionnalité avant sa mise en application» ; que cette disposition constitutionnelle s’applique au Sénat ; 
  1. Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées que ledit règlement intérieur du Sénat est soumis à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que la saisine introduite par le Président du Sénat doit être déclarée recevable ;

AU FOND

  1. Considérant que pour chaque Assemblée parlementaire, le règlement intérieur constitue la loi intérieure fixée par chacune d’elle ; que chaque Chambre « agit en établissant son règlement non comme une branche du pouvoir législatif mais à titre de corporation autonome dotée d’un pouvoir d’organisation et possédant sur ses membres une autorité disciplinaire» ; qu’ainsi, le règlement intérieur appartient à la catégorie juridique des mesures d’ordre intérieur, et que la validité des règles qu’il édicte est limitée à leur objet interne ; 
  1. Considérant que conformément aux dispositions de l’article 117 in fine de la Constitution sus-indiquées, le règlement intérieur des Assemblées parlementaires est soumis à un contrôle préalable de constitutionnalité ; que ledit contrôle a pour objet de garantir que l’exercice, par chacune des Assemblées, de son autonomie de fonctionnement ne méconnaisse aucune exigence constitutionnelle et, notamment, ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs ;

 Sur les normes de référence :

  1. Considérant qu’en raison des exigences propres à la hiérarchie des normes juridiques dans l’ordre interne, la conformité à la Constitution des Assemblées parlementaires, et donc du Sénat, doit s’apprécier au regard de la Loi fondamentale elle-même que des lois organiques prévues par celle-ci ainsi que des mesures législatives prises pour son application ; qu’entre notamment dans cette catégorie la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 fixant les règles relatives au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar, la loi n°2011-012 du 9 septembre 2011 relative aux partis politiques et la loi n°2011-013 du 9 septembre 2011 portant statut de l’opposition et des partis d’opposition ;
  1. Considérant, par ailleurs, que l’arrêté portant refonte du règlement intérieur du Sénat organise, dans sa majeure partie, le déroulement de la procédure législative en son sein ; qu’aux termes de l’article 6 de la Constitution, il est indiqué que « la loi est l’expression de la volonté générale. Elle est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle oblige ou qu’elle punisse… » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 5 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants… » ; que ces dispositions imposent, dans la procédure législative et pour ce qui concerne toute tâche effectuée par les Assemblées parlementaires, dont l’élaboration de l’arrêté portant règlement intérieur du Sénat, le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ;

Concernant la portée du contrôle de constitutionnalité de l’arrêté portant règlement intérieur du Sénat :

  1. Considérant que conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, le contrôle de constitutionnalité que la Cour de céans effectue sur l’arrêté portant règlement intérieur du Sénat, porte sur l’ensemble des dispositions de celui-ci ; que c’est uniquement sur le fondement des dispositions du règlement intérieur déclaré conforme à la Constitution de la IVème République que se réalise et s’effectue la mise en place des organes du Sénat tels qu’ils sont prévus par ledit règlement ;
  1. Considérant, dès lors, que la mise en place de tous les organes du Sénat ne saurait être effectuée qu’à l’issue et à la suite la décision de conformité de l’arrêté portant refonte du règlement intérieur du Sénat  et permettre, de ce fait, la mise en œuvre de l’article 211 alinéa 1er de l’arrêté portant refonte du règlement intérieur du Sénat aux termes duquel, « seul le règlement intérieur déclaré conforme à la Constitution par la Haute Cour Constitutionnelle est applicable pour l’élection des membres du Bureau permanent et la formation des commissions » ; 
  1. Considérant que dans l’exercice du mandat que lui confie l’article 117 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle ne peut effectuer qu’un contrôle de légalité ce qui exclut tout contrôle d’opportunité ; que dans son office, elle ne saurait être habilitée, en aucune façon, à se substituer au Sénat ;

Concernant les collaborateurs des membres du Bureau permanent et des Sénateurs :

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 16 in fine de l’arrêté portant règlement intérieur du Sénat, il est indiqué que, « le Président (du Bureau permanent du Sénat) dispose d’un cabinet nommé par lui», sans aucune indication sur le nombre exact des collaborateurs du Président du Sénat ; que la détermination du nombre des membres du cabinet du Président du Sénat ne peut être laissée à sa seule discrétion, mais doit obligatoirement être précisée dans le règlement intérieur ;
  1. Considérant ,par ailleurs, que dans son Préambule, la Constitution énonce parmi les conditions du développement durable et intégré, la bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques, grâce à la transparence dans la gestion et la responsabilisation des dépositaires de la puissance publique ; que cette dernière exigence signifie, notamment, la préoccupation que tous les responsables des Institutions de l’Etat doivent avoir à l’endroit de la gestion des deniers publics ; que, certes, les Assemblées parlementaires, en se fondant sur le principe de la séparation des pouvoirs, sont dotées d’un pouvoir autonome d’organisation matérialisée et formalisée par le règlement intérieur qu’elles adoptent souverainement, mais que celui-ci doit être conforme aux dispositions de la Constitution ;
  1. Considérant que la Cour de céans, dans le respect du principe de l’autonomie d’organisation des Assemblées parlementaires, mais au regard « des conditions (de) bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques, grâce à la transparence dans la gestion et la responsabilisation des dépositaires de la puissance publique», énoncées dans le Préambule de la Constitution, estime que le nombre des collaborateurs des membres du Bureau permanent et ceux des Sénateurs devraient tenir compte de la situation actuelle des capacités budgétaires de l’Etat ;

Concernant l’attribution du bénéfice de certaines prérogatives :

  1. Considérant que selon les dispositions de l’article 216 alinéa 4 de l’arrêté portant refonte du règlement intérieur du Sénat, il est prévu que « les sénateurs bénéficient des prérogatives suivantes :
  • une carte de membre du Sénat national délivrée par le président du Sénat comportant, outre l’identité, les mentions ci-après ‘il est ordonné à tous agents de la force publique d’assurer la libre circulation du titulaire de la présente carte dans l’exercice de ses fonctions et de lui prêter aide et assistance en cas de besoin ;
  • un passeport diplomatique ;
  • une cocarde tricolore ;
  • un coupe-file ;
  • des distinctions honorifiques ;

des insignes et une écharpe qui sont portés par les sénateurs lorsqu’ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et en toutes circonstances où ils ont à faire connaître leur qualité. La nature de ces insignes est déterminée par le Sénat » ;

  1. Considérant que les prérogatives qui sont octroyées aux Sénateurs ne peuvent trouver leurs justifications qu’aux fins de faciliter l’exercice de leur mandat ; qu’à cet égard, l’octroi d’un passeport diplomatique ne pourrait être effectué de manière systématique, et ne peut se faire qu’en se conformant aux conventions et usages internationaux comme la Cour de céans l’a souligné dans sa Décision n°09-HCC/D3 du 28 janvier 2015 concernant la loi organique n°2014-039 portant quelques droits et privilèges inhérents aux fonctions des députés ;
  1. Que de la même manière, l’octroi de distinctions honorifiques, ne saurait être qualifié de prérogatives inhérentes à l’exercice du mandat de Sénateur, car il ne peut être, en lui-même, rattaché à la fonction de Sénateur ; qu’en effet, les distinctions honorifiques récompensent des personnes en reconnaissance de leurs mérites personnels et professionnels pour la défense d’une cause, au service d’une collectivité ou dans des domaines particuliers ou pour récompenser des actes de courage ou de dévouement ; que l’octroi de distinctions honorifiques doit se faire conformément aux conditions énoncées par les dispositions du décret n°96-450 du 27 juin 1996 portant réglementation de l’Ordre national de Madagascar et des autres distinctions honorifiques ;

Concernant les commissions d’enquête :

  1. Considérant que le Préambule de la Constitution pose le principe de la séparation des pouvoirs ; qu’en application dudit principe, une commission parlementaire d’enquête ne peut pas interférer sur une enquête judiciaire ; que l’article 35 de l’arrêté n°001/2016-SENAT/P respecte ce principe ; qu’en conséquence, l’article 152 alinéa 2, qui est en contradiction avec ce principe et l’article 35 précité, n’est pas conforme à la Constitution ;
  1. Considérant que les autres dispositions de l’arrêté portant règlement intérieur du Sénat, relatives à l’organisation et au fonctionnement du Sénat, ainsi qu’à la procédure législative, aux moyens d’information et de contrôle de l’action du gouvernement, ne méconnaissant aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

 En conséquence

Décide :

Article premier.- Sous les réserves de compléter l’article 16 in fine en précisant le nombre des membres du cabinet du président du Sénat, des interprétations énoncées dans les considérants 9, 13, 15 et 16 dans la présente Décision et d’extirper l’article 152 alinéa 2, les dispositions des autres articles de l’arrêté n°001/2016- SENAT/P portant refonte de l’arrêté n°027/2008 portant règlement intérieur du Sénat sont déclarées conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2.– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi vingt-deux février l’an deux mil seize à quatorze heures trente minutes, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;

Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;

Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haute Conseillère ;

Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haute Conseillère ;

Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;

Mr RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller ;

Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;

Mr. DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;

Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.