La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;
Vu le Code général des impôts ;
Vu le Code des douanes ;
Vu la décision n°34-HCC/D3 du 26 décembre 2015 relative à la loi n°2015-050 portant Loi de Finances pour 2016 ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie le 07 juillet 2016 par le Président de la République, suivant lettre n°41-PRM/SG/DEJ-16 du 07 juillet 2016, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, du texte de loi n° 2016-007 du 30 juin 2016 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016 ;
2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 117 de la Loi fondamentale « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
3. Considérant que les lois de finances sont des lois ordinaires, mais qui sont adoptées selon une procédure spéciale ; qu’il existe plusieurs types de loi de finances, qui font l’objet d’un vote du Parlement en tant qu’autorité budgétaire ; que la loi de finances rectificative modifie en cours d’année les dispositions de la loi de finances initiale ;
4. Considérant que selon l’article 68 de la Constitution, « le Parlement comprend l’Assemblée Nationale et le Sénat » ; que l’article 87 de la Loi fondamentale précise que « les lois organiques, les lois de finances et les lois ordinaires sont votées par le Parlement dans les conditions fixées par la présente Constitution » ; qu’il en résulte que les projets ou propositions de loi sont examinés successivement par les deux assemblées du Parlement pour aboutir à un texte identique ;
5. Considérant qu’aux termes de l’article 90.1° de la Constitution, « la loi de finances détermine les ressources et les charges de l’Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique » ; que l’article 92 de la Loi fondamentale confirme le principe traditionnel de la priorité de l’Assemblée nationale pour l’examen des lois de finances ; que la loi n°2016-007 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016 a été adoptée lors des séances plénières respectives de l’Assemblée nationale et du Sénat les 29 et 30 juin 2016 ; qu’il en résulte que les dispositions constitutionnelles précitées ont été respectées ;
6. Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées que ladite Loi de Finances Rectificative pour 2016 est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité;
AU FOND
7. Considérant que le contrôle de constitutionnalité des lois de finances s’exerce en référence à la Constitution stricto sensu mais également à la loi organique sur les lois de finances, tel que prévu implicitement par l’article 90 de la Constitution ;
8. Considérant que selon l’article 2 alinéa 6 de la loi organique n°2004-007 sur les lois de finances, « seules des lois de finances dites rectificatives peuvent, en cours d’année, modifier les dispositions de la loi de finances de l’année. Sauf le cas de nécessité ou d’urgence, les lois de finances rectificatives doivent être déposées au cours du second semestre de chaque année » ;
9. Que la loi n° 2016-007 du 30 juin 2016 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016 a été déposée au cours du premier semestre de l’année, impliquant le cas de nécessité ou d’urgence ;
10. Considérant qu’au cours du premier semestre 2016, le contexte économique et financier a été chancelant nécessitant une mise à jour de l’équilibre général de la loi de finances pour pouvoir assurer la relance des activités économiques et faire face à la nouvelle restructuration de l’architecture gouvernementale ainsi qu’à la faiblesse des ressources et financements disponibles ;
11. Que l’adoption de la Loi de Finances Rectificative dans les plus brefs délais constitue une condition sine qua non de la réalisation du programme du gouvernement appuyé par la Facilité Elargie de Crédit (FEC) lequel conduit au déblocage des financements extérieurs ;
12. Considérant, par ailleurs, que la révision de la loi des finances, permet l’octroi d’un budget à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) conformément à la décision n° 34- HCC/D3 du 26 décembre 2015 de la Cour de céans ;
13. Que l’acte d’adoption par le Parlement, autorité budgétaire, justifie le cas de nécessité ou d’urgence prévu par la loi organique sus évoquée ;
14. Considérant que l’article 44 de la loi organique n°2004-007 dispose que « sont joints à tout projet de loi de finances rectificative :
– Un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu’il comporte ;
– Une annexe contenant éventuellement les modifications de recettes et de dépenses concernant l’exercice budgétaire et l’équilibre qui en résulte » ;
Que ladite disposition a été respectée avec les documents annexes de la loi n°2016-007 ;
15. Considérant qu’aux termes de l’article 42 de la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les Lois de finances : « les Lois de Finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu’au cours des débats parlementaires, ni les députés ni les sénateurs n’ont soutenu le caractère insincère de la Loi de Finances Rectificative pour 2016 ;
16. Considérant que les dispositions de la loi n°2006-007 modifiant la Loi de finances initiale, notamment celles relatives au Code des impôts et au Code des douanes, ne portent pas atteinte au principe d’égalité devant la loi et respectent le principe de la non-rétroactivité de la loi fiscale et le principe constitutionnel des droits de la défense prévus par l’article 6 de la Constitution ;
17. Considérant cependant que selon l’article 3 de la Constitution, « la République de Madagascar est un Etat reposant sur un système de Collectivités Territoriales Décentralisées composées de Communes, de Régions et des Provinces dont les compétences et les principes d’autonomie administrative et financière sont garantis par la Constitution et définis par la Loi » ; que ce principe constitutionnel de la décentralisation doit se refléter aussi bien au niveau de la Loi de finances initiale que de la Loi de finances rectificative ; que dans la loi n°2016-007 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016, le budget relatif à la décentralisation relève essentiellement de celui du ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation ; que la répartition des ressources entre l’Etat et les collectivités territoriales décentralisées, prévue par l’article 146 de la Constitution, doit se faire sur la base de critères objectifs, équitables, non discriminatoires et sans considérations partisanes dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi de finances rectificative ;
18. Considérant que, selon l’article 90.3° de la Constitution, « la loi de finances détermine la proportion des recettes publiques devant revenir à l’Etat, aux Collectivités territoriales décentralisées ainsi que la nature et le taux maximum des impôts et taxes perçus directement au profit du budget desdites Collectivités, déterminées en Conseil des ministres » ; que si l’article 24 de la Loi de Finances Rectificative pour 2016 énumère la liste des ressources non fiscales pouvant être perçues par les collectivités territoriales décentralisées, elle ne répond pas entièrement aux exigences de l’article 90.3° de la Loi fondamentale ;
19. Considérant qu’il n’appartient pas à la Haute Cour Constitutionnelle, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de même nature que celui du Parlement, de procéder éventuellement aux rectifications de la loi de finances rectificative ;
20. Considérant que les dispositions de la loi de finances rectificative déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
En conséquence,
Décide :
Article premier.- Sous les réserves posées aux considérants 17 et 18, les dispositions de la loi n°2016-007 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016 sont conformes à la Constitution.
Article 2- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi onze juillet l’an deux mil seize à quatorze heures trente minutes, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haute Conseillère
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Mr TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Mr DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Mme RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.