La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie par lettre n°49-PRM/SG/DEJ-16 du Président de la République en date du 20 juillet 2016 pour contrôle de constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de la loi n°2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution ;
2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 117 de la Loi fondamentale « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
3. Considérant que l’article 95.II de la Constitution dispose que : « outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la loi détermine les principes généraux de l’organisation de la Défense Nationale et de l’utilisation des Forces Armées ou des Forces de l’ordre par les autorités civiles » ;
4. Considérant qu’il résulte des dispositions sus rapportées que la loi n°2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que la saisine doit être déclarée recevable ;
AU FOND
5. Considérant, d’une part, que l’article 95.II de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes généraux de l’organisation générale de la défense nationale et de l’utilisation des Forces armées ou des forces de l’ordre par les autorités civiles ; qu’il y a lieu de ranger parmi ces principes généraux et fondamentaux de la défense et qui, comme tels, relèvent du domaine de la loi la mobilisation générale et la mobilisation partielle prévues aux articles 3, 4 et 5 de la présente loi ;
6. Considérant, d’autre part, que le Sénat et l’Assemblée Nationale ont adopté en leurs séances respectives en date des 9 et 28 juin 2016 la loi déférée au contrôle de constitutionnalité ;
7. Que la loi n° 2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale soumise à la Cour de céans comporte six titres intitulés respectivement :
– Dispositions Générales
– De la Direction de la Défense
– De la Responsabilité des Ministres
– De l’organisation Territoriale et Opérationnelle de la Défense
– Du Service National
– Dispositions diverses ;
8. Considérant que par rapport à la loi n°94-018 du 26 septembre 1995, modifiée et complétée par la loi n°2004-039 du 08 novembre 2004 portant organisation générale de la Défense à Madagascar, la nouvelle loi n°2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale apporte une actualisation en introduisant la notion de sécurité qui tend désormais à prendre le pas sur la notion de défense face aux risques et menaces multiformes qui attentent en permanence à la sérénité et à la paix dans le monde et au sein de chaque Etat ;
9. Considérant que la notion de sécurité nationale désigne l’objectif de parer aux risques et menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la Nation ; que cette conception juridique de la sécurité nationale est reprise par l’article premier de la loi n°2016-005 ; que la sécurité nationale concerne la protection de population, l’intégrité et la permanence des institutions de la République ; qu’à l’instar de l’ensemble des politiques publiques, la politique de défense concourt à la sécurité nationale ; qu’en conséquence, une loi relative à la sécurité nationale devra ultérieurement être adoptée ;
10. Considérant que la défense, en tant que fonction régalienne de l’Etat, a un caractère national ; qu’elle concerne non seulement la défense militaire et les Forces armées, mais aussi toutes les administrations responsables des grandes catégories de fonctions ou de ressources essentielles à la vie du pays ; que le Titre III détermine les responsabilités des Ministres en matière de défense et de la sécurité nationale, chacun en ce qui le concerne et en particulier celle du Ministre des Forces Armées ; que les principes généraux précités sont ainsi reconnus par l’article 18 de la loi déférée ;
11. Considérant que l’unité est un principe général de la défense nationale ; qu’elle signifie que la politique de défense est dirigée par le gouvernement ; que ce principe est mis en œuvre par les Sous-titre 3 et 4 du Titre II de la présente loi ;
12. Considérant que la déconcentration est un principe général de la défense nationale ; qu’il en résulte qu’une autorité est responsable à chaque échelon du territoire ; que ce principe est prescrit par les dispositions du Titre V de la présente loi ;
13. Considérant cependant que, dans sa conception juridique actuelle, la défense nationale concerne toute la population et tous les secteurs de la vie du pays, notamment défense civile, économique et militaire ; que d’après l’article 56 alinéa 4 de la Constitution, le Président de la République « arrête en Conseil des ministres le concept de la défense nationale sous tous ses aspects militaire, économique, social, culturel, territorial et environnemental » ; qu’en conséquence, toutes ces dimensions devraient figurer expressément dans l’article premier de la loi n°2016-006 et être prises en compte dans l’ensemble de la loi ;
14. Considérant que la loi n°2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale soumise au contrôle de constitutionnalité de la Cour de céans définit en son Titre I les principes généraux de la Défense Nationale et les mesures nécessaires que les acteurs de la défense préconisent pour assurer en tout temps et en toutes circonstances la protection de la population et l’intégrité du territoire national ;
15. Considérant que le titre II de la présente loi se rapporte à la Direction de la défense qui relève essentiellement du Président de la République conformément aux dispositions de l’article 56 de la Constitution qui dispose que « Le Président de la République est le Chef Suprême des Forces Armées dont il garantit l’unité. A ce titre, il est assisté par un Haut Conseil de la Défense Nationale.
Le Haut Conseil de la Défense Nationale, sous l’autorité du Président de la République, a notamment pour mission de veiller à la coordination des actions confiées aux Forces Armées afin de préserver la paix sociale » ;
16. Considérant que le Premier Ministre, sous l’autorité du Président de la République, conduit non seulement la politique générale de l’Etat (article 65.1 de la Constitution) mais assure également (article 65.9) la sécurité, la paix et la stabilité sur toute l’étendue du territoire national sans le respect de l’unité nationale ;
17. Considérant que le Titre IV fixe l’organisation territoriale et opérationnelle de la défense et de la sécurité nationale, conformément aux dispositions de l’article 141 de la Constitution selon lesquelles « Les collectivités territoriales décentralisées assurent avec le concours de l’Etat, notamment la sécurité publique, la défense civile… » ;
18. Considérant que le Titre V rappelle que le service national est un devoir d’honneur conformément aux dispositions de l’article 18 de la Constitution du 10 décembre 2010 ;
19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que la loi n°2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale, ne méconnaissant aucune exigence constitutionnelle, doit être déclarée conforme à la Constitution ;
En conséquence,
Décide :
Article premier.- Sous les réserves des Considérants 9 et 13, la loi n°2016-005 portant organisation générale de la Défense Nationale est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mardi deux août l’an deux mil seize à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haute Conseillère
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Mr TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Mr DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Mme RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.