La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
1. Considérant que par lettre n°55-PRM/SG/DEJ-16 du 20 juillet 2016, le Président de la République a saisi la Haute Cour Constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, aux fins de contrôle de constitutionnalité de la loi n°2016-017 modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale malagasy ;
2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 117 de la Loi fondamentale « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
3. Considérant que la loi n°2016-017 modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale malagasy a été adoptée par le Sénat et l’Assemblée Nationale lors de leurs séances respectives en date des 29 juin 2016 et 1er juillet 2016 ;
4. Qu’ainsi, ladite loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que la saisine introduite par le Président de la République doit être déclarée recevable ;
AU FOND
5. Considérant que d’après l’article 95.8° de la Constitution, «la loi fixe les règles concernant […] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l’amnistie » ;
6. Considérant que par la présente loi, le législateur a voulu répondre à un souci de mise en cohérence des dispositions du Code de procédure pénale malagasy avec les textes récemment adoptés ; qu’ainsi, de nouvelles dispositions sont prises, lesquelles tendent, d’une part, à faciliter l’acquisition de preuves en ayant recours à de nouvelles techniques d’enquête et, d’autre part, à veiller à assurer la protection de témoins allant jusqu’au témoignage sous anonymat ;
7. Considérant également qu’une nouvelle mesure dénommées « contrôle judiciaire », se rapportant aux personnes inculpées mais laissées en liberté provisoire, a été introduite dans le Code sus énoncé ;
8. Considérant que les modifications et compléments apportés au Code de procédure pénale ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la justice ; qu’ils ne méconnaissent pas les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions ; qu’ils ne portent pas atteinte aux droit et libertés fondamentales ;
9. Considérant que l’article 4 de la loi n°2016-017, qui modifie l’article 210 du Code de procédure pénale, dispose que « l’Officier de Police Judiciaire peut rechercher et saisir à la Poste les lettres et lui interdire de délivrer au destinataire des télégrammes émanant de l’inculpé ou à lui adressés » ; que l’article 13 de la Constitution prévoit que « tout individu est assuré de l’inviolabilité de sa personne, de son domicile et du secret de correspondance » ; que le secret de la correspondance est un droit fondamental garanti par la Constitution ;
10. Considérant que la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît en son article 12 que « nul ne sera l’objet d’immixtion arbitraire dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance […] Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes » ; que le secret de la correspondance est un droit fondamental universellement reconnu ;
11. Considérant cependant que d’après l’article 7 de la Constitution, « les droits individuels et les libertés fondamentales sont garantis par la Constitution et leur exercice est organisé par la loi » ; qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au secret des correspondances que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi ; qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales ;
12. Que pour éviter tout abus et atteinte excessive à un droit fondamental, le Code de procédure pénale devrait prévoir l’obligation d’une autorisation écrite et motivée émanant du Procureur de la République ainsi qu’une limitation dans le temps afin de respecter les normes démocratiques et la présomption d’innocence ;
13. Considérant que l’article 13 de la loi n°2016-017 modifiant et complétant l’article 333 du Code de procédure pénale fixe des critères objectifs devant guider les magistrats avant la prise de décision de placer en détention préventive un inculpé ; qu’en tant que gardien des libertés publiques, le juge doit respecter strictement ces conditions imposées par la loi et garder le caractère « exceptionnel » de la détention préventive, qui est un principe fondamental reconnu par l’article 15 in fine de la Constitution qui dispose que « la détention préventive est une exception » ;
14. Considérant que les dispositions de la loi soumise à contrôle ne sont pas contraires à la Constitution ;
En conséquence,
Décide :
Article premier.- Sous les réserves d’interprétation des Considérants 9, 10, 11,12 et 13, la loi n°2016-017 modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale malagasy est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le vendredi cinq août l’an deux mil seize à quatorze heures trente, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Mr RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haute Conseillère
Mr TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Mr TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Mr DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Mme RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.