La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes ;
Vu la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant ;
Vu l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité malagasy,
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
1. Considérant que par lettre n°113-PRM/SG/DEJ-16 du 03 janvier 2017, reçue et enregistrée au greffe le 04 janvier 2017, conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa premier de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle est saisie par le Président de la République, préalablement à sa promulgation, pour soumettre au contrôle de constitutionalité, la loi n° 2016-038 du 15 décembre 2016, modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la Nationalité Malagasy ;
2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 95.I.3, « la loi fixe les règles concernant […] la nationalité » ;
3. Considérant que la loi n° 2016-038 du 15 décembre 2016 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n° 60-064 portant Code de la nationalité malagasy a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives en date du 12 décembre 2016 et du 15 décembre 2016 ;
4. Considérant que ladite loi, soumise obligatoirement au contrôle de constitutionalité suivant les dispositions susvisées, a respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionalité ; que la saisine est ainsi recevable ;
AU FOND
5. Considérant que selon l’article 15.1 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, « tout individu a droit à une nationalité » ; que l’article 6 alinéa 2 de la Constitution dispose que « tous les individus sont égaux en droit […] sans discrimination fondée sur le sexe […] ;
6. Considérant que les femmes et les enfants sont victimes d’importants désavantages dus à la législation et aux pratiques discriminatoires et que certaines dispositions de l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité ont toujours été jugées discriminatoires à l’encontre des femmes et des enfants ;
7. Considérant que pour remédier à cette discrimination à leur égard, tenant compte des recommandations des organes des traités internationaux relatifs aux Droits de l’Homme notamment la Convention sur l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes ratifiée par Madagascar le 07 septembre 2000 et la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant, ratifiée en 1991, des modifications ont été apportées à ce Code ;
8. Considérant que ces modifications apportées se rapportent essentiellement à la transmission et à l’étendue de la déchéance de la nationalité malgache ;
Sur la transmission de la nationalité
9. Considérant que depuis 1960, dans certains cas, le droit du père et de la mère n’est pas le même en matière de transmission de leur nationalité à leurs enfants, tel qu’il est prévu par l’ article 9 de l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité malagasy ;
10. Considérant que de par ces modifications, dorénavant, la transmission de la nationalité est la même que celle du père, quelle que soit la situation matrimoniale de la mère mettant également ainsi l’enfant sur un même pied d’égalité, quant à l’acquisition de la nationalité, quel que soit son statut d’enfant légitime ou d’enfant né hors mariage ; que l’article 9 (nouveau) de la loi n° 2016-038 du 15 décembre 2016 stipule en effet que : « Est malagasy, l’enfant né d’un père et/ou d’une mère malagasy » ;
11. Considérant qu’à ce sujet, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes énonce dans son article 9.2 que « les Etats parties accordent aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants » ;
Sur l’étendue de la déchéance de la nationalité
12. Considérant que d’après l’article 52 (nouveau) de la loi n° 2016-038 du 15 décembre 2016 modificative de l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960, « La déchéance ne s’étend pas aux enfants et au conjoint de l’individu déchu », contrairement à celle prévue par les dispositions de l’ancien article, lequel énonce que « La déchéance peut être étendue à la femme et aux enfants mineurs de l’intéressé à conditions qu’ils soient d’origine étrangère et qu’ils aient conservé une nationalité étrangère. Elle ne pourra, toutefois, être étendue aux enfants mineurs si elle ne l’est également à la femme » ;
13. Que considérée comme une sanction individuelle, et pour préserver le droit à la nationalité de l’enfant et aussi pour son intérêt supérieur, la déchéance de la nationalité se limite à l’individu déchu ;
14. Considérant que concernant cette préservation de la nationalité de l’enfant, l’article 8.1 de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant dispose que « Les Etats parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale » ;
15. Considérant par ailleurs qu’il importe de souligner que les modifications apportées à l’ordonnance sus visée ne portent pas atteinte ni aux droits acquis par des tiers ni aux actes passés par l’intéressé ;
16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les dispositions de la loi déférée ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la loi fondamentale garantit et que la loi n°2016-038 doit être déclarée conforme à la Constitution;
EN CONSEQUENCE
DECIDE :
Article premier.- La loi n° 2016-038 du 15 décembre 2016 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n° 60-064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité malagasy est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente Décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le lundi seize janvier de l’an deux mille dix-sept à neuf heures trente minutes, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Madame RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haute Conseillère
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.