La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
1. Considérant que par lettre n°120/PRM/SG/DEJ-16 du 03 janvier 2017, le Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa 1er de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle, préalablement à sa promulgation, de la loi n° 2016-055 portant Code des Marchés Publics ;
2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 117 de la loi fondamentale « avant leur promulgation les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la constitution » ;
3. Considérant que la loi n°2016-055 portant Code des marchés publics est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ;
4. Considérant que la loi n°2016-055 portant Code des marchés publics a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives du 14 décembre 2016 et du 16 décembre 2016 ;
5. Considérant ainsi que les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité ont été respectées ; que la saisine introduite par le Président de la République est régulière et recevable ;
AU FOND
6. Considérant que la loi n°2016-055 portant Code des marchés publics soumise au contrôle de constitutionnalité der la Cour de céans, dans son titre préliminaire porte sur les définitions de diverses terminologies et les notions de marché public, les différents types de marchés publics et le champ d’application ;
7. Considérant que le Titre I énonce les principes généraux régissant les marchés publics ainsi que la notion de seuils des marchés publics ; que si la Constitution n’évoque pas expressément les contrats administratifs, les grands principes constitutionnels leur sont applicables ; que selon l’article 2.I de la loi n°2016-055, « les marchés publics sont des contrats administratifs écrits à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les Autorités contractantes […] » ; qu’en conséquence, ils sont soumis aux grands principes constitutionnels ;
8. Considérant que l’article 7 de la Constitution dispose que « les droits individuels et les libertés fondamentales sont garantis par la Constitution et que leur exercice est organisé par la Loi » ; que la liberté contractuelle des individus est un principe constitutionnel et un droit fondamental ; que l’article 5 alinéa premier de la loi n°2016-055 impose que les marchés publics respectent le principe de liberté d’accès à la commande publique ;
9. Considérant que l’article 6 alinéa 2 de la Constitution dispose que « tous les individus sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi » ; que selon l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi » ; qu’en matière de marchés publics, l’article 5 alinéa 2 de la loi déférée pose le principe « d’égalité de traitement des candidats » ; que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur prévoit des cas d’interdiction de candidature aux marchés publics comme ceux prévus par l’article 21 de la loi déférée ;
10. Considérant que le Préambule de la Constitution pose le principe de « la bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques, grâce à la transparence dans la gestion et la responsabilisation des dépositaires de la puissance publique » ; que l’article 5 alinéa premier de la loi déférée pose le principe de la « transparence des procédures » ; que l’alinéa 2 du même article dispose que « ces principes permettent d’assurer l’efficience de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics » ; que le Titre V Section II de la loi consacrée à la publicité respecte le principe de transparence ;
11. Considérant qu’en conséquence, les principes constitutionnels du droit des contrats administratifs sont respectés ;
12. Considérant que cette nouvelle loi n°2016-055 portant Code des marchés publics apporte essentiellement quelques amendements et modifications à la version initiale de la loi n° 2004-009 du 26 juillet 2004 portant Code des marchés publics; que l’une des grandes innovations consiste en la consécration du principe de séparation de la fonction de « contrôle » et celle de « régulation » ;
13. Considérant en effet que le Titre II de la loi déférée intitulé « cadre institutionnel » en son article 11 de la Section I sur « des organes de passation de marchés publics et la section II : « de l’organe de contrôle des marchés publics » instituent un organe administratif en charge du contrôle des marchés publics rattaché au Ministère chargé du Budget ; que cet organe a essentiellement pour mission de procéder à l’examen a priori et a postériori et au contrôle des plans de passation et au contrôle des procédures de mise en concurrence pour les contrats de partenariat public-privé ;
14. Considérant que la Section III traite de « l’autorité de régulation des marchés publics » laquelle est une autorité indépendante dotée de la personnalité juridique et qui jouit d’une autonomie administrative et financière ; qu’ elle est également dotée de pouvoir de sanction, pouvoir institué par le titre X de la loi dont s’agit ;
15. Considérant que selon l’article 39 in fine de la Loi fondamentale, l’Etat « organise l’Administration afin d’éviter tout acte de gaspillage et de détournement des fonds publics à des fins personnelles et politiques » ; que le nouveau cadre institutionnel mis en place par la loi n°2016-055 répond à cet impératif constitutionnel ;
16. Considérant que les titres III, titre IV, titre V et titre VI relatifs à la notion de soumissionnaires, aux opérations et procédures de passation des marchés publics et à l’exécution proprement dite des marchés publics ne contiennent aucune disposition contraire à la Constitution ;
17. Considérant par ailleurs que le titre IX sur « l’éthique des marchés publics » instaure en son article 89 « le comité d’éthique des marchés publics » au niveau de l’Autorité de régulation des marchés publics, comité chargé de veiller au respect du code d’éthique des marchés publics et d’instruire les cas de non-respect de l’éthique des marchés publics ; que ces dispositions sont conformes à la Constitution ;
18. Considérant que l’application et la mise en œuvre des articles 15, 22, 27 à 30, 38, 65 et 70 du présent Code devront tenir compte des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ;
19. Considérant de tout ce qui précède que la loi soumise au contrôle de constitutionnalité ne contient aucune disposition contraire à la Constitution ;
EN CONSEQUENCE
DECIDE :
Article premier.– La loi n°2016-055 portant Code des marchés publics est déclarée conforme à la Constitution, sous les réserves du Considérant 18.
Article 2.– La présente Décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le lundi seize janvier l’an deux mil dix-sept à neuf heures trente minutes, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Madame RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haute Conseillère
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.