LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
- Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie le 07 juin 2017 par le Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, des textes de loi n°2017-001 instituant l’Ordre National Malagasy et n°2017-002 portant Code de la route de Madagascar ;
- Considérant que selon l’article 117 de la Loi fondamentale « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
- Considérant qu’il résulte de la disposition sus-rappelée que lesdites lois sont soumises à un contrôle obligatoire de constitutionnalité;
Sur le respect de la procédure législative
- Considérant que dans sa décision n°22-HCC/D3 du 5 septembre 2014 concernant la loi organique n°2014-009 modifiant certaines dispositions de l’ordonnance n°2014-001 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale, la Cour de céans a rappelé que « tel que le soulignent, de manière indifférenciée, la doctrine la plus exigeante ainsi que l’ensemble de la jurisprudence internationale en matière constitutionnelle, le Parlement législateur est un « pouvoir constitué ». Il n’exprime la volonté générale que s’il se conforme aux conditions posées par la Constitution. Il en est ainsi quant aux règles de forme et de procédure concernant l’exercice du pouvoir législatif. Il en va de même quant aux règles de fond, c’est-à-dire quant au respect des principes et des règles que la Constitution impose comme limites au contenu des textes législatifs; qu’ainsi, le juge constitutionnel, loin de porter atteinte à la souveraineté nationale, loin de censurer la volonté générale, assure le respect de l’une et de l’autre en assurant celui de la Constitution qui est leur expression suprême et totale » ;
- Considérant que, dans la même décision, la Cour de céans a souligné « qu’il est de jurisprudence constante de la Haute Cour Constitutionnelle que lorsqu’elle est saisie, en application de l’article 117 de la Constitution, d’une loi votée par le Parlement avant sa promulgation, il lui appartient, non seulement de se prononcer sur la conformité de ladite loi à la Constitution, mais encore d’examiner si celle-ci a été adoptée dans le respect des dispositions constitutionnelles relatives à la procédure législative, et de se prononcer sur la régularité de la procédure suivie »;
- Considérant que l’article 68 de la Constitution dispose que « le Parlement comprend l’Assemblée nationale et le Sénat »; qu’elle instaure ainsi un Parlement bicaméral ; qu’aux termes de l’article 87 de la Loi fondamentale, « les lois organiques, les lois de finances et les lois ordinaires sont votées par le Parlement dans les conditions fixées par la présente Constitution » ; que l’article 96 alinéa 2 de la Constitution précise que « la discussion a lieu successivement dans chaque Assemblée jusqu’à l’adoption d’un texte unique » ; que cette disposition pose ainsi le principe d’une navette illimitée entre les deux Assemblées ; que la navette ne peut prendre fin que lorsqu’une Assemblée adopte sans modification, pour chacun de ses articles, le texte précédemment adopté par l’autre ;
- Considérant que la loi n°2017-001 transmise à la Présidence de la République à la date du 1er juin 2017 ne comporte que la seule signature du Président de l’Assemblée nationale et la date de son adoption par la seule Assemblée nationale ; que l’impératif constitutionnel de l’adoption d’un texte identique par les deux chambres du Parlement n’est pas respecté ;
- Considérant que selon la note relative à la loi n°2017-001 et la loi 2017-002 de la Présidence de la République, annexée à la lettre de saisine de la Haute Cour Constitutionnelle, l’Assemblée nationale s’est basée sur l’article 96 in fine de la Constitution qui dispose que « si la commission ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’Assemblée Nationale statue définitivement à la majorité absolue des membres la composant » ; que les deux lois ont déjà fait l’objet de deux lectures au niveau du Sénat ;
- Considérant cependant que les dispositions de l’article 96 in fine ne s’appliquent que dans la cadre de la procédure de conciliation ou procédure paritaire en cas de désaccord entre les deux chambres du Parlement ; qu’aux termes de l’article 96 alinéa 3 de la Constitution, « lorsque par suite d’un désaccord entre les deux Assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adoptée après deux lectures par chaque Assemblée ou si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune d’elle, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » ;
- Considérant que le Premier ministre n’a pas fait usage de la faculté, et non une obligation, de déclencher la procédure de conciliation avec la mise en place d’une commission mixte paritaire ; que l’Assemblée nationale ne peut statuer seule que si le texte de compromis élaboré par la Commission a été rejeté par le Sénat ; qu’à défaut du déclenchement de la procédure paritaire, le principe de la navette illimitée perdure jusqu’à l’adoption d’un texte identique par l’Assemblée nationale et le Sénat ; que l’adoption de la loi n°2017-001 et de la loi n°2017-002 par la seule Assemblée nationale n’est pas conforme à la Constitution ;
En conséquence,
DECIDE :
Article premier.- La loi n°2017-001 instituant l’Ordre National Malagasy et la loi n°2017-002 portant Code de la Route à Madagascar ne sont pas conformes à la Constitution et ne peuvent ainsi être promulguées.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Premier ministre, Chef du Gouvernement, au Président du Sénat et au Président de l’Assemblée nationale et sera publiée au Journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le jeudi quinze juin l’an deux mil dix-sept à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.