La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;

Vu le Code général des impôts ;

Vu le Code des douanes ;

Vu la décision n°33-HCC/D3 du 23 décembre 2016 relative à la loi n°2016-032 portant Loi de Finances pour 2017 ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie le 28 juin 2017 par le Président de la République, suivant lettre N°60/PRM/SG/DEJ-17, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, du texte de loi n° 2017-009 portant Loi de Finances Rectificative pour 2017 ;
  1. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 117 de la Loi fondamentale « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
  2. Considérant que  l’Assemblée Nationale et le Sénat ont adopté la loi n° 2017-009 portant Loi de Finances Rectificatives pour 2017, lors de leurs séances respectives du 15 juin 2017 et du 20 juin 2017 ; qu’ainsi, la loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que la saisine introduite par le Président de la République doit être déclarée recevable ;

Sur la procédure législative

  1. Considérant que les lois de finances sont des lois ordinaires, mais qui sont adoptées selon une procédure spéciale ; qu’il existe plusieurs types de loi de finances, qui font l’objet d’un vote du Parlement en tant qu’autorité budgétaire ; que la loi de finances rectificative modifie en cours d’année les dispositions de la loi de finances initiale ;
  1. Considérant que selon l’article 68 de la Constitution, « le Parlement comprend l’Assemblée Nationale et le Sénat » ; que l’article 87 de la Loi fondamentale précise que « les lois organiques, les lois de finances et les lois ordinaires sont votées par le Parlement dans les conditions fixées par la présente Constitution » ; qu’il en résulte que les projets ou propositions de loi sont examinées successivement par les deux assemblées du Parlement pour aboutir à un texte identique ;
  1. Considérant qu’aux termes de l’article 90.1° de la Constitution, « la loi de finances détermine les ressources et les charges de l’Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi organique » ; que l’article 92 de la Loi fondamentale confirme le principe traditionnel de la priorité de l’Assemblée nationale pour l’examen des lois de finances ; que la loi n°2017-009 portant Loi de Finances Rectificative pour 2017 a été adoptée lors des séances plénières de l’Assemblée nationale du 15 juin 2017 et du Sénat du 20 juin 2017 ; qu’il en résulte que les dispositions constitutionnelles précitées ont été respectées ;
  1. Considérant que, à la différence de la procédure législative pour les lois ordinaires, la Constitution a fixé un délai d’examen pour les lois de finances ; qu’aux termes de l’article 92 de la Constitution, ce délai d’examen est de trente jours au maximum en première lecture pour l’Assemblée nationale et de quinze jours au maximum pour le Sénat ; qu’il est de cinq jours pour chacune des lectures suivantes ; que ces délais maximum fixés par la Loi fondamentale s’appliquent pour les lois de finances de l’année et aux lois de finances rectificatives ;
  1. Considérant que le Parlement est un acteur essentiel dans le cycle budgétaire d’un pays ; qu’il a un rôle critique et de contrôle de ce cycle ; que dans le cadre de ce rôle des Assemblées parlementaires et dans celui de leurs responsabilités, les députés et les sénateurs doivent être en mesure d’interroger et de discuter des éléments du budget ; que pour ce faire, le constituant a prévu des délais relativement longs d’examen ;
  1. Considérant que le rôle des parlementaires n’est pas seulement d’entériner le budget mais de s’assurer que ce dernier correspond le mieux aux besoins par rapport aux ressources disponibles ; que le Parlement surveille et contrôle le processus budgétaire grâce à l’examen du projet de loi de finances qui détermine sa conformité par rapport à la politique du gouvernement, afin de l’approuver, de le rejeter ou de le modifier, en fonction de ses prérogatives constitutionnelles et législatives ;

AU FOND

 

  1. Considérant que le contrôle de constitutionnalité des lois de finances s’exerce en référence à la Constitution stricto sensu mais également à la loi organique sur les lois de finances, tel que prévu implicitement par l’article 90 de la Constitution ;
  1. Considérant que selon l’article 2 alinéa 6 de la loi organique n°2004-007 sur les lois de finances, « seules des lois de finances dites rectificatives peuvent, en cours d’année, modifier les dispositions de la loi de finances de l’année. Sauf le cas de nécessité ou d’urgence, les lois de finances rectificatives doivent être déposées au cours du second semestre de chaque année » ;
  1.  Que la loi n° 2017- 009 portant Loi de Finances Rectificative pour 2017 a été déposée au cours du premier semestre de l’année, impliquant le cas de nécessité ou d’urgence ;
  1.  Considérant que la conjoncture socio-économique  du premier semestre 2017  a des implications budgétaires importantes affectant l’équilibre budgétaire de la loi de finances initiale ; que l’impact  de  l’insuffisance de pluviométrie touchant plusieurs régions de l’île et du cyclone ENAWO sont autant de facteurs nécessitant la reprogrammation du budget au cours du premier semestre 2017 ;
  1.  Que les ressources supplémentaires engendrées par la conférence des Bailleurs et des Investisseurs (CBI) en décembre 2016, la revue du programme de Facilité Elargie de Crédit (FEC) ainsi que les subventions à accorder aux entreprises publiques JIRAMA et Air Madagascar, constituent des paramètres justifiant le cas d’urgence et de nécessité pour la révision de la loi de finances et  au cours du premier semestre 2017 ;
  1. Que l’acte d’adoption par le Parlement, autorité budgétaire,  justifie le cas de nécessité ou d’urgence prévu par la loi organique sus évoquée ;
  1. Considérant que l’article 44 de la loi organique n°2004-007 dispose que « sont joints à tout projet de loi de finances rectificative :
  • Un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu’il comporte ;
  • Une annexe contenant éventuellement les modifications de recettes et de dépenses concernant l’exercice budgétaire et l’équilibre qui en résulte » ;

Que ladite disposition a été respectée avec les documents annexes de la loi n°2017-009 ;

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 42 de la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les Lois de finances : « les Lois de Finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu’au cours des débats parlementaires, ni les députés ni les sénateurs n’ont soutenu le caractère insincère de la Loi de finances rectificative pour 2017 ;
  1.  Considérant que l’égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que les droits de la défense, prévus par l’article 6 de la Constitution, sont des principes à valeur constitutionnelle ;  qu’il échet de s’assurer de leur effectivité ;
  1. Considérant qu’il n’appartient pas à la Haute Cour Constitutionnelle, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de même nature que celui du Parlement, de procéder éventuellement aux rectifications de la loi de finances rectificative ;
  1.  Considérant que les dispositions de la loi de finances rectificative déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

En conséquence,

Décide :

Article premier.– Sous les réserves posées aux Considérants 8, 9 et 18, les dispositions de la loi n°2017-009 portant Loi de Finances Rectificative pour 2017 sont conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi trois juillet l’an deux mil dix-sept à neuf heures trente minutes, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur  RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA  Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur  DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur  ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.