La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’Ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la Déclaration Universelle des droits de l’homme ;
Vu la Convention n° 117 sur la politique sociale concernant les objectifs et les normes de base de la politique sociale du 22 juin 1962 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
EN LA FORME
1. Considérant que par lettre n° 141/PRM/SG/DEJ-17 du 19 décembre 2017, le Président de la République a saisi la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de conformité à la Constitution de la loi n°2017-028 relative au régime non contributif de protection sociale à Madagascar, préalablement à sa promulgation, conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa premier de la loi fondamentale ;
2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle«… statue sur la conformité à la Constitution et des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes… » ; que d’après l’article 117 de la même Constitution, «Avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution… » ;
3. Considérant que la loi n° 2017-28 relative au régime non contributif de protection sociale à Madagascar a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives du 30 novembre 2017 et du 08 décembre 2017 ;
4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions constitutionnelles que la dite loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionalité ; que la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle est ainsi régulière et recevable ;
AU FOND
5. Considérant que selon les dispositions de l’article 95/II-5° de la Constitution « La loi détermine les principes généraux :…de l’organisation ou du fonctionnement de différents secteurs d’activités juridique, économique, sociale et culturelle… » ;
6. Considérant que la loi n°2017-028 présentée au contrôle de constitutionalité est non seulement le reflet de la volonté de mettre en œuvre la Protection Sociale suite à l’élaboration de la Politique Nationale de Protection Sociale (PNPS) en 2015 dont l’objectif est non seulement la mise en œuvre des actions de protection sociale prévue dans la Politique Générale de l’Etat mais également celui de lutte contre la pauvreté ; que tel qu’il est défini à travers les différents défis à relever dans cette Politique Générale de l’Etat, la lutte contre la pauvreté, la vulnérabilité et la précarité est la priorité des priorités, en particulier celui consacré à la protection sociale visé au défi 5;
7. Considérant que la Convention n° 117 sur la politique sociale concernant les objectifs et les normes de base de la politique sociale du 22 juin 1962, entrant en vigueur le 23 avril 1964 et ratifiée par Madagascar en juin 1964 énonce dans son préambule que « toutes les initiatives devraient être prises pour intéresser et associer d’une manière effective la population à l’élaboration et à l’exécution des mesures de progrès social » ; que l’article 1.1 de la même Convention stipule que « toute politique doit tendre en premier lieu au bien-être et au développement de la population ainsi qu’à encourager les aspirations de celle-ci vers le progrès social » ; que l’article 2 de cette même Convention d’ajouter que « l’amélioration des niveaux de vie sera considérée comme l’objectif principal des plans de développement économique » ;
8. Considérant que la Constitution énumère les droits fondamentaux de chaque citoyen traduisant la valeur du bien-être dans la société et que la politique nationale sur la protection sociale tend à renforcer et de soutenir les populations vulnérables pour la protection de ces droits ;
9. Considérant que le Titre I de la loi n°2017-028 porte uniquement sur des définitions de diverses terminologies à utiliser ;
10. Considérant que trois formes de protection sociale sont prévues par l’article 5 de la loi n° 2017-028, à savoir l’assistance sociale, les services d’actions sociales et la sécurisation sociale ; que l’assistance sociale cible la frange de populations très pauvres et/ou vulnérables à plus haut risque et le programme y afférent vise à fournir des aides en espèces ou en nature afin qu’elle puisse satisfaire leurs besoins fondamentaux ; quant aux services d’actions sociales, ses programmes ont pour objectif de faciliter l’insertion des groupes de personnes marginalisées, exclues socialement, économiquement défavorisées, vulnérables et visent surtout les groupes spécifiques tels les orphelins, les personnes handicapées, les personnes âgées sans ressources etc… ; que pour ce qui est de la sécurité sociale, son rôle est principalement d’assurer une couverture sanitaire de la personne et/ou de sa famille ainsi que d’autres risques liés aux précarités de la vie ;
11. Considérant que pour pouvoir bénéficier des services de protection sociale, d’après l’article 10 de la loi déférée au contrôle de constitutionalité, sont pris en compte l’âge, le genre, l’état de santé physique et/ou mentale, les moyens de subsistance, les statuts sociaux, les statuts monétaires, les us et coutumes, aussi bien des individus, des ménages que des communautés ;
12. Considérant que, l’article 30 de la Constitution dispose à ce propos que « l’Etat s’efforce de subvenir aux besoins de tout citoyen qui, en raison de son âge ou de son inaptitude physique ou mentale, se trouve dans l’incapacité de travailler, notamment par l’intervention d’institutions ou d’organismes à caractère social » ;
13. Considérant que la Déclaration Universelle des droits de l’homme dans son article 22 stipule que « Toute personne en tant que membre de la société a droit à la sécurité sociale, elle est fondée à obtenir satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa qualité grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays » ;
14. Considérant que selon l’article 11 de la loi n°2017-028, « la mise en œuvre des programmes de Protection Sociale incombe principalement à l’Etat » ; que pour ce faire, d’après les articles 13 et 14, deux structures rattachées au Ministère en Charge de la Protection Sociale sont mises en places : l’une pour gérer les appuis et réparation apportées aux bénéficiaires, victimes de risques sociaux résultant des investissements publics et privés et l’autre structure est chargée d’assurer la coordination de toutes les actions et interventions relatives à la Protection Sociale non contributif sur le territoire national ;
15. Considérant que pour permettre d’assurer la sécurisation sociale de base des plus pauvres, l’article 19 de loi n°2017-028 édicte que « Le financement des programmes de Protection Sociale du régime non contributif relevant de la PNPS, est supporté par l’Etat intervenant directement ou indirectement, et ce, avec l’appui du secteur privé, des associations et Organismes Non Gouvernementaux, tant nationaux qu’internationaux, des Partenaires Techniques et Financiers, ainsi que de toutes personnes morales ou physiques s’étant fixées une mission dans le cadre de Protection Sociale » ;
16. Que le préambule de la Convention citée plus haut précise sur ce point que « tous les efforts devraient être faits sur le plan international, régional ou national, pour assurer une assistance financière et technique sauvegardant les intérêts des populations » ;
17. Considérant que de tout ce qui précède, la loi n°2017-028 n’est qu’un cadre de référence essentiel pour tous les intervenants dans le domaine de la Protection Sociale relative au régime non contributif à Madagascar en vue d’atteindre une couverture de protection sociale efficace au bénéfice de la population afin d’améliorer leur niveau de vie et surtout de combattre la pauvreté, la vulnérabilité et la précarité ;
18. Considérant que les dispositions de la loi n° 2017-028 relative à la politique nationale de protection sociale dans le cadre du régime non contributif à Madagascar ne méconnaissent ainsi aucune disposition à valeur fondamentale ; que par conséquent, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
Concernant la procédure législative
19. Considérant que l’article 29 de la loi déférée dispose que « en raison de l’urgence, et sans préjudice de sa publication au Journal Officiel, la présente loi devient obligatoire dans toute l’étendue du territoire de la République dès sa publication, par émission radiodiffusée ou par tout autre mode de publicité, conformément aux dispositions de l’article 4 de l’Ordonnance n°62-041 du 19 septembre 1962 relative au droit interne et au droit international privé » ;
20. Considérant que la Cour de céans a rappelé dans sa décision n° 22-HCC/D3 du 5 septembre 2014 concernant la loi organique n°2014-009 modifiant certaines dispositions de l’ordonnance n°2014-001 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale qu’il est de jurisprudence constante de la Haute Cour Constitutionnelle que lorsqu’elle est saisie, en application de l’article 117 de la Constitution, d’une loi votée par le Parlement avant sa promulgation, il lui appartient, non seulement de se prononcer sur la conformité de ladite loi à la Constitution, mais encore d’examiner si celle-ci a été adoptée dans le respect des dispositions constitutionnelles relatives à la procédure législative, et de se prononcer sur la régularité de la procédure suivie ; que ce contrôle de la procédure législative s’entend du dépôt du projet ou proposition de loi jusqu’à sa publication ;
21. Considérant que la publication est l’acte matériel d’exécution de la promulgation, consistant à imprimer dans un document officiel la loi promulguée ; que cette publication est opérée par une insertion au Journal officiel ; que l’entrée en vigueur de la loi est subordonnée à sa publication ;
22. Considérant qu’il peut y avoir des cas d’urgence pour lesquels il est dérogé à la publication au Journal officiel, selon la procédure prévue par l’article 4 de l’ordonnance n°62-041 ; que, cependant, l’usage de cette procédure doit être réservée exceptionnellement aux cas de nécessité absolue ; que la mise en œuvre de la loi déférée ne remplit pas ce critère de nécessité absolue ; qu’en conséquence, elle doit faire l’objet d’une publication normale au Journal officiel selon la procédure de droit commun ;
EN CONSEQUENCE
DECIDE :
Article premier.– Sous réserve du Considérant 22, la loi n° 2017-028 relative à la politique nationale de protection Sociale relative au régime non contributif à Madagascar est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2.– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi dix-sept janvier l’an deux mille dix-huit à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.