La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’Ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
EN LA FORME

1- Considérant que par lettre n° 140/PRM/SG/DEJ-17 du 19 décembre 2017, le Président de la République a saisi la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de conformité à la Constitution de la loi n°2017-027 relative à la coopération internationale
en matière pénale préalablement à sa promulgation, conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa premier de la Constitution ;

2- Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle«… statue sur la conformité à la Constitution et des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes… » ; que d’après l’article 117 de la même Constitution, «Avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution… » ;

3- Considérant que la loi n° 2017-027 a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives des 29 novembre 2017 et 08 décembre 2017 ;

4- Considérant qu’ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine introduite par le Président de la République est ainsi régulière et recevable ;

AU FOND,

5- Considérant que la présente loi traite :
– dans le Livre premier, « De l’entraide judiciaire en matière pénale » lequel porte « sur les demandes d’entraide requise de Madagascar » et « l’entraide judiciaire requise par Madagascar » ;
– dans le Livre II « De l’extradition judiciaire » lequel concerne « l’extradition depuis la République de Madagascar » et « l’extradition vers la République de Madagascar » ;

6- Considérant que l’article 2 de la présente loi dispose que « Les autorités judiciaires malagasy accordent aux autres autorités relevant d’autres Etats et aux juridictions internationales toute mesure relative à la coopération internationale la plus large possible, dont l’entraide en matière pénale et l’extradition judiciaire, pour la poursuite et la répression des infractions pénales, conformément aux dispositions de la présente loi et aux règles de droit international applicables » ;

7- Qu’il est en outre précisé à l’article 3 que cette coopération peut être exécutée même en l’absence d’instrument juridique de caractère international ou bilatéral liant Madagascar à l’Etat dont relèvent les autorités judiciaires requérantes ou inversement, les dispositions relatives aux procédures, aux conditions et effets de l’entraide judiciaire pénale ou d’extradition étant ainsi exécutées sur la base d’un engagement réciproque de bonne coopération ou du principe de réciprocité ;

8- Considérant que les attributions du Ministère de la Justice de Madagascar qui est l’autorité ou l’instance centrale, s’agissant de coopération internationale en matière pénale, sont énumérées à l’article 4 de la présente loi ;

9. Considérant que les dispositions générales de la présente loi, notamment celles relatives à l’exécution ou du refus d’exécution de la demande d’entraide judiciaire ou de la demande d’extradition judiciaire, n’apportent aucune atteinte à la règle qui découle du principe de la souveraineté nationale posé par l’article 1 de la Constitution et l’article 4 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ; qu’en conséquence, elles ne sont pas contraires à la Constitution ;

10. Considérant que selon l’article premier 14) de la loi déférée, « extradition désigne la remise par un Etat requis de toute personne qui est recherchée par l’Etat requérant en vue de :

– poursuites pénales consécutives à une infraction donnant lieu à extradition ou
– l’exécution d’une peine prononcée » ;

11. Considérant que, de manière générale, l’extradition est juridiquement définie comme « L’opération par laquelle un Etat remet, sur sa demande, à un autre Etat, un individu sur le territoire du premier mais qui, pénalement poursuivi ou condamné par le second, est réclamé par celui-ci pour y être jugé ou y subir sa peine » ; que le droit de l’extradition est une procédure d’Etat à Etat impliquant une communication intergouvernementale et un arrêté d’extradition du Ministre de la Justice (article 112 alinéa 3 de la loi déférée) ;

12. Considérant que le principe de spécialité est un des principes du droit de l’extradition ; qu’il interdit que l’extradé soit poursuivi ou puni pour une infraction antérieure à la remise, autre que celle ayant motivé l’extradition ; que le principe de spécialité constitue à la fois une protection de la personne extradée, notamment lorsqu’elle consent à sa remise aux autorités de l’État requérant, et une garantie, pour l’État requis, de l’effectivité des motifs par lesquels il peut se réserver le droit de refuser la remise, notamment, pour Madagascar, le refus de remettre une personne poursuivie pour des infractions à caractère politique ; que les droits fondamentaux de la personne extradée sont ainsi respectés ;

13. Considérant que Madagascar a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée le 12 juin 2015 ; que l’article 137 alinéa 4 de la Constitution dispose que « les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ; que les dispositions de la loi déférée sont complétées par celles de la Convention précitée ;

14. Considérant que, sous la réserve d’interprétation énoncée au Considérant 13, l’examen des dispositions de la loi soumise à contrôle fait ressortir qu’elles ne sont pas contraires à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE
DECIDE :

Article premier.– Sous la réserve d’interprétation du Considérant 13, les dispositions de la loi n°2017-027 relatives à la coopération internationale en matière pénale, sont conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2.– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi vingt-deux janvier l’an deux mille dix-huit à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.