La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

1. Considérant que par lettre n°154/PRM/SG/DEJ-17 du 26 Décembre 2017, Le Président de la République de Madagascar, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de la loi n° 2017-048 régissant la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et de l’alimentation animale ;

2. Considérant que selon l’article 116-1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » et que selon l’article 117 de la loi fondamentale, « avant leur promulgation, les lois organiques , les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur la conformité à la Constitution » ;

3. Considérant que la loi n° 2017-048 régissant la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et de l’alimentation animale, a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat lors de leurs séances respectives en date du 07 et du 13 décembre 2017 ;

4. Considérant qu’ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine introduite par le Président de la République est régulière et recevable ;

AU FOND

5. Considérant que la loi soumise au contrôle de constitutionnalité instaure un cadre juridique permettant le renforcement du contrôle sanitaire des denrées alimentaires et de l’alimentation animale mises sur le marché local ainsi que celles destinées pour le marché extérieur ,au niveau des différentes étapes de la chaine alimentaire, allant de la production primaire, de la transformation, jusqu’à la distribution aux consommateurs; que l’absence d’une législation adéquate affecte l’efficacité de toutes les activités en matière de contrôle alimentaire menées au niveau national ; que l’élaboration de lois et de règlements pertinents et applicables est une composante essentielle d’un système de contrôle sanitaire des aliments;

6. Considérant que l’accès au marché régional ou international requiert la mise en conformité aux normes internationales reconnues ; que la Commission du Codex Alimentarius, organe intergouvernemental mixte (FAO/OMS), établit des normes alimentaires internationales harmonisées pour protéger la santé des consommateurs et garantir des pratiques équitables et loyales dans le commerce des denrées alimentaires ;

7. Considérant que la loi déférée comporte quatre (4) titres et quatre-vingt-quinze (95) articles ; qu’elle établit les principes généraux en matière de sécurité sanitaire régissant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux incluant les additifs alimentaires et les compléments alimentaires; qu’elle institue la mise en place de structures impliquées dans le processus d’analyse, d’évaluation et de gestion des risques sanitaires ;

SUR LE TITRE I, CHAPITRE 2 : LES PRINCIPES GENERAUX

8. Considérant que le chapitre 2 sur les principes généraux de la loi déférée, allant de l’article 5 à l’article 58 énonce les différents principes, obligations, prescriptions générales, responsabilités liés à la sécurité sanitaire et au commerce équitable des aliments, ne méconnait aucune disposition constitutionnelle;

Concernant l’article 7

9. Considérant que l’article 7 de la loi déférée pose le principe de précaution en matière de sécurité sanitaire des denrées alimentaires et de l’alimentation animale ; que la Constitution pose en son article 19 le principe du droit à la protection de la santé de tout individu ; qu’en application de ce principe, le principe de précaution est devenu un guide d’actions en matière de santé des consommateurs et de sécurité alimentaire ; qu’il doit inspirer toutes les mesures de veille sanitaire et de sécurité des produits ; qu’en conséquence, l’article 7 est conforme à la Constitution ;

Concernant l’article 10

10. Considérant que l’article 10 de la présente loi pose le principe d’un droit à l’information des citoyens en cas de risque pour la santé humaine et animale ; que l’article 11 alinéa premier de la Constitution dispose que « tout individu a droit à l’information » ; qu’en conséquence, l’article 10 est conforme à la Constitution ;

SUR LES STRUCTURES NATIONALES EN CHARGE DE L’ANALYSE DES RISQUES DES ALIMENTS

11. Considérant que l’article 60 de la loi soumise au contrôle dispose que « A Madagascar, les structures qui interviennent dans l’analyse des risques sont :

1) le Bureau National de Coordination en charge de la communication sur les risques ;
2) le Dispositif National d’ Evaluation des risques ; et
3) les Services officiels et/ou Autorités compétentes en charge de la gestion des risques.
Concernant l’article 63

12. Considérant que l’article 63 de la loi soumise au contrôle dispose « Il est institué un Dispositif National d’Evaluation des Risques sanitaires, ci-après dénommé le DNER.

Il a pour mission de :
• ……..
• «constituer une source indépendante d’informations sur toutes les questions relevant de ce domaine ;
• « exécuter sa mission dans des conditions lui permettant d’assurer un rôle de référence par l’indépendance et la qualité scientifique et technique des avis qu’il rend et des informations qu’il diffuse, par la transparence de ses procédures et modes de fonctionnement, et par sa diligence à s’acquitter des tâches qui lui sont confiées.
L’évaluation des risques est fondée sur les preuves scientifiques disponibles et elle est menée de manière indépendante objective et transparente. »

13. Considérant qu’il existe une antinomie entre l’indépendance accordée au DNER et son rattachement au Ministère en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique tel que prévu par l’article 64 de la loi déférée ; qu’en conséquence le statut juridique du DNER devrait figurer dans l’article précité ; que la loi déférée doit préciser la composition et le mode de nomination des membres du DNER ; que, d’autre part, le règlement d’application de la loi précitée devra garantir cette indépendance du DNER en matière d’organisation et de fonctionnement ;

Concernant l’article 74

14. Considérant que l’article 74 de la loi déférée dispose que « sur proposition des Autorités compétentes, des Inspecteurs en charge de la sécurité sanitaire des aliments sont nommés par voir règlementaire par leur Ministère de tutelle. En tant qu’officiers de police judiciaire, ils prêtent serment avant leur prise de fonction » ;

15. Considérant que ces Inspecteurs en charge de la sécurité sanitaire des aliments doivent être tenus aux exigences du Code de procédure pénale ; qu’ils sont notamment placés sous la surveillance du Procureur général près la Cour d’appel selon l’article 123 alinéa 2 du Code pénal ;

Concernant les pouvoirs d’inspection

16. Considérant qu’il résulte des articles 74 à 78 de la présente loi que les Inspecteurs en charge de la sécurité sanitaire des aliments exercent la double fonction de contrôleur administratif et d’officier de police judiciaire ; qu’en vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, ces deux fonctions doivent être clairement distinguées ; que l’article 123 alinéa premier du Code de procédure pénale prévoit que « la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs » ; qu’en conséquence les Inspecteurs en charge de la sécurité sanitaire des aliments ne peuvent se prévaloir de leur statut d’officier de police judiciaire que pour les infractions pénales expressément énumérées aux articles 79 à 83 de la présente loi ;

Concernant les infractions et les sanctions

17. Considérant que les articles 79 à 86 concernent les infractions et sanctions pénales en matière de sécurité sanitaire des denrées alimentaires et de l’alimentation animale ; que l’article 95.I.8° de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant […] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables […] « ; qu’en conséquence, les articles précités sont conformes à la Constitution ;

18. Considérant que sous réserve des Considérants 13, 15 et 16, les dispositions de la loi déférée, ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle et doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE,
DECIDE :

Article premier Sous les réserves énoncées aux Considérants 13, 15 et 16, les dispositions de la loi déférée sont conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2 La présente Décision sera publiée au Journal officiel de la République et notifiée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi trente-et-un janvier l’an deux mille dix- huit à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.