La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2014-034 du 09 février 2015 modifiant certaines dispositions de l’ordonnance n°2014-001 portant loi organique fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
- Considérant que par lettre n°014-2019/AN/P du 26 janvier 2019, le Président de l’Assemblée Nationale saisit le Président de la Haute Cour Constitutionnelle aux fins d’une demande d’avis sur la fin du mandat du Bureau Permanent de l’Assemblée Nationale, conformément aux dispositions de l’article 119 de la Constitution, d’une part, et sur la portée de l’article 69 de la Constitution, d’autre part ;
En la forme
- Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 19 de la Constitution : « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout chef d’institution et tout organe des collectivités territoriales décentralisées pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution » ;
- Que la présente demande, s’agissant d’un avis sur le sens et l’interprétation d’un article de la Constitution présentée par un Chef d’Institution, en l’occurrence le Président de l’Assemblée Nationale, est régulière et recevable ;
Au fond
- Considérant que la périodicité des élections est un principe constitutionnel ; que la durée des mandats parlementaires est consubstantielle à la notion de représentation ; que la théorie de la représentation impose une limite temporelle au mandat représentatif ; que l’article 69 de la Constitution a fixé le mandat des députés à cinq ans ; que, conformément à l’Avis n°07-HCC/AV du 07 septembre 2018 et à la théorie du mandat, la validité du mandat des députés est délimitée dans le temps et est régie par le principe de l’intangibilité ; que les membres du Bureau permanent de l’Assemblée nationale sont des députés élus et sont donc régis par le mandat de cinq ans ;
- Considérant que, selon la théorie de la représentation, l’élu n’est, en aucune façon, propriétaire de son mandat, dont il n’est que le dépositaire temporaire ; qu’à son terme normal, le mandat est remis en jeu par l’organisation de nouvelles élections ; que la non prorogation d’un mandat parlementaire est un principe fondamental de la démocratie représentative ; que, dans la pratique démocratique, un mandat parlementaire ne peut être prorogé qu’en temps de guerre, d’invasion ou d’insurrection ;
- Considérant, en outre, que conformément à l’Avis n°01-HCC/AV du 16 février 2018, le mandat de l’actuelle législature de l’Assemblée Nationale arrive à expiration impérativement le 05 février 2019 à minuit ; qu’ainsi, le mandat des membres du Bureau Permanent est indissociable du mandat de député ; qu’il se termine avec le mandat des autres membres de l’Assemblée Nationale, sans aucune possibilité de prorogation ;
Sur l’expédition des affaires courantes
- Considérant que, si l’expédition des affaires courantes appartient au vocabulaire des affaires politiques depuis les origines mêmes du régime parlementaire, elle est considérée différemment par le droit constitutionnel ; que pour la doctrine constitutionnaliste, elle est admise comme un principe du droit public, voire même considérée comme essentielle ;
- Considérant que la conception de l’expédition des affaires courantes au niveau d’une assemblée parlementaire est la résultante du principe de la nécessaire continuité de l’Etat ; que la fin du mandat des membres de l’Assemblée nationale le 5 février 2019 à minuit se traduit par la cessation de la fonction législative et de la fonction de contrôle du gouvernement de la chambre basse ; qu’ainsi la notion d’expédition des affaires courantes se limite au fonctionnement administratif et financier de l’Assemblée ;
- Considérant qu’aux termes des articles 52 et 54 de l’ordonnance n°2014-001 portant loi organique fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale, modifiée par la loi organique n°2014-034, et les articles 16, 17 et 18 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale : « Le Président de l’Assemblée Nationale est le Chef de l’Administration de l’Assemblée Nationale. Il veille à la sécurité intérieure et extérieure de l’Assemblée Nationale. A ce titre, il dispose des pouvoirs de réquisition des forces publiques et de toutes les autorités en cas de besoin. Il est également l’ordonnateur du budget de l’Assemblée Nationale» ;
- Considérant qu’aux termes de l’article 21 alinéa 2 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, « Le premier Questeur est responsable de l’Administration et du personnel de l’Assemblée Nationale. Il est chargé de l’élaboration et de l’exécution du budget. En cas d’empêchement, l’intérim est assuré par le deuxième Questeur » ;
- Considérant que selon les dispositions légales et le Règlement Intérieur sus évoqués et afin de respecter le principe de la continuité de l’Etat, garant de la pérennité des institutions de la République, certains membres du Bureau Permanent de l’Assemblée Nationale doivent rester, nonobstant la fin de leur mandat, jusqu’à la mise en place des nouveaux membres du Bureau Permanent ; qu’il en est ainsi du Président de l’Assemblée Nationale, du premier Questeur et du deuxième Questeur ;
- Considérant que le maintien du Président de l’Assemblée Nationale, du premier Questeur et du deuxième Questeur, en tant que membres du Bureau Permanent et autorités chargées de l’administration de l’Assemblée pour l’expédition des affaires courantes, n’est pas contraire à la Constitution ; que relèvent de l’expédition des affaires courantes de l’Assemblée Nationale, la gestion des services administratifs, la gestion des services financiers, l’élaboration et l’exécution du budget ainsi que l’administration ;
En conséquence
la Haute Cour Constitutionnelle
émet l’avis que :
Article premier.- Le mandat des Députés et le mandat du Bureau Permanent de l’Assemblée Nationale arrivent à expiration le 05 février 2019 à minuit.
Article 2.- Le maintien du Président de l’Assemblée Nationale, du premier Questeur et du deuxième Questeur au sein du Bureau Permanent de l’Assemblée Nationale en tant qu’autorités administratives et financières pour l’expédition des affaires courantes, n’est pas contraire à la Constitution.
Article 3.– La gestion des services administratifs, la gestion des services financiers, l’élaboration et l’exécution du budget font partie des affaires courantes.
Article 4.- Le présent Avis sera notifié au Président de l’Assemblée Nationale et publié au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le samedi deux février deux mille dix-neuf à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller
Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère,
Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.