La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par requête en date du 13 juin 2006, Maître ANDRIANARY Arthur, dont l’étude est sise rue Serbie, Mahajanga, agissant au nom et pour le compte de la société RAM-IMMOBILIER, ayant son siège social à Mahajanga, rue Richelieu, sollicite la Haute Cour Constitutionnelle de déclarer l’inconstitutionnalité de la disposition de l’article 39 du règlement intérieur du Barreau de Madagascar ainsi libellé : « L’avocat, avant tout dépôt de plainte ou toute introduction d’instance, ou en cas de constitution en cours de procédure contre un confrère ou un magistrat, doit dans tous les cas en référer préalablement au bâtonnier et obtenir son autorisation » ;
EN LA FORME :
Considérant que la requête a été introduite suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée devant le Tribunal de première instance de Mahajanga agissant en matière civile et en référé, lequel par jugement avant dire droit n°45 du 11 avril 2006, a sursis à statuer en impartissant au requérant un délai de un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle ;
Considérant que selon la lettre n°88-G/06 de Monsieur le Greffier en Chef du Tribunal de première instance de Mahajanga, le requérant, en l’occurrence Maître ANDRIANARY Arthur, a été notifié de l’ordonnance de référé avant-dire-droit n°45 du 11 avril 2006, le 15 mai 2006 ;
Considérant que la requête formulée par le requérant le 13 juin 2006 et parvenue à la Haute Cour Constitutionnelle le même jour, rentre bien dans le délai imparti pour saisir la haute juridiction, selon l’article 114 nouveau, alinéas 2 et 3, de la Constitution ;
Qu’il y a lieu de déclarer la requête recevable en la forme ;
AU FOND :
Considérant qu’à l’appui de sa requête, Maître ANDRIANARY Arthur soulève des doctrines et jurisprudences pour soutenir que « … en l’absence d’une définition légale, les ordres professionnels sont des organismes dotés des prérogatives de puissance publique
et que la mission confiée aux ordres, c’est-à-dire la réglementation et la discipline de la profession, constitue l’exercice d’un service public, et qu’il n’est dès lors pas à exclure du domaine du règlement susceptible d’être, au fond, l’objet d’une exception d’inconstitutionnalité, le règlement intérieur du barreau de Madagascar en particulier, lorsqu’il s’agit d’atteinte à des droits fondamentaux reconnus par la Constitution, que d’autant plus ceci ne heurte pas le vœu de l’article 28 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 qui ne fait pas de distinguo ou de précision formelle des sources d’exceptions d’inconstitutionnalité pouvant être soulevées par les parties et rentrant dans les prévisions de l’article 11 du code de procédure civile » ;
Considérant en outre que le requérant soulève les dispositions de la Constitution sur les droits et libertés fondamentaux, notamment en ses articles 9, 10 et 13 in fine et l’article 19 du code de procédure civile sur le libre choix des défenseurs ;
Que la soumission réglementaire de la constitution d’avocat, pour la défense d’un plaideur en litige avec un avocat, à une autorisation préalable du bâtonnier de l’Ordre des avocats, et l’usage qui en est fait par l’avocat partie au litige, font peser des risques évidents sur la libre conscience de l’avocat tenu à l’autorisation préalable, sur le choix de son défenseur ;
Que l’article 39 du règlement intérieur du Barreau de Madagascar constitue un procédé dont le fondement et l’usage sont susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux prévus par la Constitution, et constitue une disposition anticonstitutionnelle ;
Considérant que la Cour de céans n’est tenue de se baser que sur les dispositions constitutionnelles et non sur celles du code de procédure civile qui, d’ailleurs, étaient déjà déclarées conformes à la Constitution ;
Considérant que l’article 39 du règlement intérieur de l’Ordre des avocats en stipulant que « L’avocat, avant tout dépôt de plainte ou toute introduction d’instance, ou en cas de constitution en cours de procédure contre un confrère ou un magistrat, doit dans tous les cas en référer préalablement au bâtonnier et obtenir son autorisation », ne dicte pas en soi une défense à l’endroit des avocats de choisir librement leurs défenseurs mais constitue une formalité allant dans le sens prévu par l’article 9 du même règlement intérieur relatif aux attributions du Conseil de l’Ordre, notamment celle d’arrêter son règlement intérieur ainsi que celle de veiller à l’harmonisation des règles et usages de la profession d’avocat ;
Que le fait de subordonner à un avis préalable auprès du bâtonnier du « dépôt de plainte ou de toute introduction d’instance ou en cas de constitution en cours de procédure contre un confrère ou un magistrat » ainsi que l’obtention de l’autorisation de ce dernier, constituent une mesure de commodité dans les relations corporatives ; qu’à la limite, ce serait la non-autorisation par le bâtonnier qui devrait être discutée au sein même de l’Ordre des avocats ;
Qu’il échet de conclure que les termes de l’article 39 du règlement intérieur du Barreau de Madagascar ne rentre pas en contradiction avec les dispositions constitutionnelles ;
Qu’il échet de déclarer la requête non fondée ;
En conséquence,
D é c i d e :
Article premier.- La requête de Maître ANDRIANARY Arthur aux fins de déclarer l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article 39 du règlement intérieur du Barreau de Madagascar est rejetée comme non fondée.
Article 2. La présente décision sera notifiée aux parties et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le mercredi seize mai l’an deux mil sept à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.