La Haute Cour constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
- Considérant que par lettre n°075-19/Sénat/PS du 05 novembre 2019, le Président du Sénat a saisi la Haute Cour Constitutionnelle pour soumettre au contrôle de constitutionnalité le décret n°2019-1866 du 25 septembre 2019 relatif au Gouverneur ;
- Considérant que selon l’article 118 alinéa premier de la Constitution : « Un chef d’institution ou le quart des membres composant l’une des Assemblées parlementaires ou les organes des Collectivités Territoriales Décentralisées ou le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit peuvent déférer à la Cour Constitutionnelle, pour contrôle de constitutionnalité, tout texte à valeur législative ou réglementaire ainsi que toutes matières relevant de sa compétence» ;
- Considérant que s’agissant d’un texte à valeur réglementaire, la saisine du Président du Sénat, régulière en la forme, doit être déclarée recevable ;
Au fond
- Considérant qu’aux termes de l’article 154 de la Constitution : « La fonction exécutive est exercée par un organe dirigé par le Chef de Région élu au suffrage universel.
Le Chef de Région est le premier responsable de la stratégie et de la mise en œuvre de toutes les actions de développement économique et social de sa région. Il est le Chef de l’Administration de sa région. » ; que selon cette disposition constitutionnelle, la direction de Région doit être menée par un Chef de Région ;
- Considérant qu’aux termes de l’article premier du décret n°2019-1866 relatif au Gouverneur : « En application des dispositions de l’article 325 de la loi n°2014-020 du 27 septembre 2014 susvisée, la fonction exécutive de la Région est exercée par un Chef de Région portant le titre de « Gouverneur.» ; que les termes « portant titre » signifient qu’il s’agit d’une simple dénomination ; qu’en conséquence, le changement d’appellation du Chef de Région en « Gouverneur » ne contrevient pas aux dispositions constitutionnelles ;
- Considérant que le décret n°2019-1866 relatif au gouverneur reprend les compétences du chef de région prévues par la Constitution, par la loi organique n°2014-018 et la loi organique n°2014-020 ; qu’il s’agit en conséquence d’un décret d’application des textes susmentionnés ; que ses dispositions sont conformes à la loi fondamentale ;
- Considérant que l’article 3 de la Constitution dispose que « la République de Madagascar est un Etat reposant sur un système de collectivités territoriales décentralisées composées de Communes, de Régions et des Provinces dont les compétences et les principes d’autonomie administrative et financière sont garantis par la Constitution et définis par la Loi » ; que la décentralisation est un processus d’aménagement de l’État unitaire qui consiste à transférer des compétences administratives de l’État vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui ; que la décentralisation d’un Etat centralisé est un long processus ;
- Considérant que les deux grands principes de la décentralisation sont le principe d’autonomie et le principe de libre administration ; qu’une collectivité décentralisée peut se définir comme étant « une entité de droit public correspondant à des groupements humains géographiquement localisés sur une portion déterminée du territoire national, à laquelle l’Etat a conféré la personnalité juridique et le pouvoir de s’administrer par des autorités élues » ; que le Préambule de la Constitution prévoit « la mise en œuvre de la décentralisation effective, par l’octroi de la plus large autonomie aux collectivités décentralisées tant au niveau des compétences que des moyens financiers » ; que le transfert de compétences et des moyens financiers constitue un préalable pour le statut de collectivité décentralisée des Régions ; qu’il revient à l’Etat de mettre en œuvre dans les meilleurs délais ce préalable, afin d’organiser les élections régionales dans un délai raisonnable ; que la désignation de l’organe exécutif de la Région par le pouvoir central a un caractère temporaire en vue du passage effectif au statut de collectivité territoriale décentralisée des Régions ; que le Gouverneur, faisant fonction de Chef de Région, assure la continuité des services publics régionaux aux termes de l’article 325 de la loi n°2014-020 du 27 septembre 2014 ;
EN CONSEQUENCE
D E C I D E :
Article premier.- Le décret n°2019-1866 du 25 septembre 2019 relatif au Gouverneur est conforme à la Constitution.
Article 2.- La désignation de l’organe exécutif de la Région par le pouvoir central a un caractère temporaire en vue du passage effectif au statut de collectivité territoriale décentralisée des Régions.
Article 3.- La présente décision sera notifiée au Président du Sénat, au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le jeudi vingt-huit novembre l’an deux mille dix-neuf à dix heures, la Haute Cour constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller
Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère
Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.