La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 modifiée et complétée par l’ordonnance n°2019-006 du 28 mai 2019, ratifiée par la loi n°2020-012, fixant les règles relatives au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;
Vu l’arrêt n°01-HCC/AR du 7 janvier 2021 portant proclamation des résultats officiels des élections sénatoriales du 11 décembre 2020 ;
Vu la décision n°16-HCC/D3 du 22 février 2016 relative à l’arrêté n°001/2016-SENAT/P portant refonte de l’arrêté n°027-2008 du 6 mai 2008 portant règlement intérieur du Sénat ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
- Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie le 20 janvier 2020 par le Président du Sénat par lettre n°03/2021/SENAT/P reçue et enregistrée au greffe le même jour, pour soumettre au contrôle de conformité à la Constitution, conformément aux dispositions de l’article 117 in fine de la Constitution, l’arrêté n°01/2021–SENAT/P du 19 janvier 2021 modifiant et complétant l’arrêté n°001 Bis/2016-Sénat/P du 24 février 2016 portant règlement intérieur du Sénat ;
- Considérant que selon l’article 117 in fine de la Loi fondamentale, « le règlement intérieur de chaque Assemblée est soumis au contrôle de constitutionnalité avant sa mise en application » ; que cette disposition constitutionnelle s’applique au Sénat ;
- Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées que ledit règlement intérieur du Sénat est soumis à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que la saisine introduite par le Président du Sénat doit être déclarée recevable ;
AU FOND
- Considérant que pour chaque Assemblée parlementaire, le Règlement intérieur constitue la loi intérieure fixée par chacune d’elle ; que chaque Chambre « agit en établissant son Règlement non comme une branche du pouvoir législatif mais à titre de corporation autonome dotée d’un pouvoir d’organisation et possédant sur ses membres une autorité disciplinaire» ; qu’ainsi, le Règlement intérieur appartient à la catégorie juridique des mesures d’ordre intérieur, et que la validité des règles qu’il édicte est limitée à leur objet interne ;
- Considérant que conformément aux dispositions de l’article 117 in fine de la Constitution sus-indiquées, le Règlement intérieur des Assemblées parlementaires est soumis à un contrôle préalable de constitutionnalité ; que ledit contrôle a pour objet de garantir que l’exercice, par chacune des Assemblées, de son autonomie de fonctionnement ne méconnaisse aucune exigence constitutionnelle et, notamment, ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs ;
Concernant les normes de référence
- Considérant qu’en raison des exigences propres à la hiérarchie des normes juridiques dans l’ordre interne, la conformité à la Constitution des règlements intérieurs des Assemblées parlementaires, et donc du Sénat, doit s’apprécier au regard de la Loi fondamentale elle-même ainsi que des lois organiques prévues par celle-ci ainsi que des mesures législatives prises pour son application ; qu’entre notamment dans cette catégorie la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 modifiée et complétée par l’ordonnance n°2019-006 du 28 mai 2019, ratifiée par la loi n°2020-012, fixant les règles relatives au fonctionnement su Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;
Concernant la portée du contrôle de constitutionnalité de l’arrêté portant Règlement intérieur du Sénat
- Considérant que conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, le contrôle de constitutionnalité que la Cour de céans effectue sur l’arrêté portant Règlement intérieur du Sénat, porte sur l’ensemble des dispositions de celui-ci ; que c’est uniquement sur le fondement des dispositions du Règlement intérieur déclaré conforme à la Constitution de la IVème République que se réalise et s’effectue la mise en place des organes du Sénat tels qu’ils sont prévus par ledit Règlement ;
- Considérant, dès lors, que la mise en place de tous les organes du Sénat ne saurait être effectuée qu’à l’issue et à la suite de la décision de conformité de l’arrêté n°01/2021–SENAT/P du 19 janvier 2021 modifiant et complétant l’arrêté n°001 Bis/2016-Sénat/P du 24 février 2016 portant Règlement intérieur du Sénat et permettre, de ce fait, la mise en œuvre de l’article 205 alinéa premier dudit arrêté ;
- Considérant, qu’à l’exception du cas du Président de l’Institution, la diminution conséquente du nombre de Sénateurs rend nécessaire une modification de l’organisation générale et des formations intérieures du Sénat, notamment le Bureau permanent, les commissions législatives et les groupes parlementaires ; que les amendements des articles 11, 19, 29, 39 et 167 sont ainsi justifiés ;
- Considérant que dans l’exercice du mandat que lui confie l’article 117 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle ne peut effectuer qu’un contrôle de légalité, ce qui exclut tout contrôle d’opportunité ; que dans son office, elle ne saurait être habilitée, en aucune façon, à se substituer au Sénat ;
Concernant les collaborateurs des membres du Bureau permanent et des Sénateurs
- Considérant qu’aux termes de l’article 16 alinéa 3 de l’arrêté n°01/2021-Sénat/P portant Règlement intérieur du Sénat, il est indiqué que, « le Président dispose d’un cabinet composé de : un Directeur de cabinet, quatre Attachés de Cabinet, six Conseillers Spéciaux permanents, quatorze Conseillers techniques permanents, des conseillers techniques bénévoles, deux Attachés de presse, un Aide de camp, dix Assistants permanents, deux Jurisconsultes, un Secrétaire particulier » ; que selon l’article 18, « chaque Vice-président dispose d’un cabinet de dix assistants parlementaires permanents nommés par le Président du Sénat sur proposition du Vice-président » ; que l’article 19 in fine dispose que « chaque Sénateur dispose de dix Assistants parlementaires permanents et de trois conseillers techniques permanents nommés par le Président du Sénat sur proposition du Sénateur » ;
- Considérant que l’ordonnance n°2019-006 modifiant et complétant la Loi organique n°2015-007 a diminué le nombre de sénateurs, en respectant la proportion constitutionnelle entre Sénateurs élus et Sénateurs nommés, tel que l’a constaté la Cour de céans dans sa décision n°10-HCC/D3 du 25 mai 2019 ; que cette diminution du nombre des Sénateurs a été justifiée par un souci d’austérité et de préservation des deniers publics ;
- Considérant que dans sa décision n°16-HCC/D3 du 22 février 2016 relative à l’arrêté n°001/2016-SENAT/P portant refonte de l’arrêté n°027-2008 du 6 mai 2008 portant Règlement intérieur du Sénat, la Cour de céans avait considéré, « par ailleurs, que dans son Préambule, la Constitution énonce parmi les conditions du développement durable et intégré, la bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques, grâce à la transparence dans la gestion et la responsabilisation des dépositaires de la puissance publique ; que cette dernière exigence signifie, notamment, la préoccupation que tous les responsables des Institutions de l’Etat doivent avoir à l’endroit de la gestion des deniers publics ; que, certes, les Assemblées parlementaires, en se fondant sur le principe de la séparation des pouvoirs, sont dotées d’un pouvoir autonome d’organisation matérialisée et formalisé par le Règlement intérieur qu’elles adoptent souverainement, mais que celui-ci doit être conforme aux dispositions de la Constitution » ;
- Que, de plus, selon la même décision, « dans le respect du principe de l’autonomie d’organisation des Assemblées parlementaires, mais au regard « des conditions (de) bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques, grâce à la transparence dans la gestion et la responsabilisation des dépositaires de la puissance publique », énoncées dans le Préambule de la Constitution, (la Cour de céans) estime que le nombre des collaborateurs des membres du Bureau permanent et ceux des Sénateurs devraient tenir compte de la situation actuelle des capacités budgétaires de l’Etat » ;
- Qu’ainsi, le respect de cette conformité à la Constitution et des capacités financières de l’Etat, doit faire l’objet d’une concertation avec l’Exécutif ;
Concernant les groupes parlementaires
- Considérant que l’article 167 de l’arrêté n°01/2021-Sénat/P dispose que « les Sénateurs peuvent se regrouper par affinités politiques. Le groupe parlementaire comprend au moins quatre (04) membres, y compris les représentants apparentés ; qu’en droit parlementaire, la constitution des groupes politiques relève du règlement intérieur de l’Assemblée ; que les groupes parlementaires peuvent ainsi s’organiser pour peser dans les débats et sur le fonctionnement de l’assemblée » ;
- Considérant que les Règlements intérieurs des Assemblées établissent toujours un seuil en dessous duquel Députés et Sénateurs ne peuvent créer un groupe parlementaire ; que les Assemblées n’ont aucune obligation constitutionnelle de permettre à des parlementaires de former un groupe ; que l’objectif d’un seuil est destiné à éviter une dispersion excessive des groupes parlementaires afin de permettre un fonctionnement cohérent de l’Assemblée et non pas dresser des obstacles règlementaires à l’activité de l’opposition ; que le seuil minimum exigé doit tenir compte du fait que les groupes parlementaires soient représentés au Bureau et dans les commissions permanentes proportionnellement au nombre total de sièges qu’ils détiennent ; que l’organisation du Sénat comprenant un Bureau et trois commissions permanentes, l’exigence d’un seuil minimum de quatre membres pour former un groupe parlementaire, est cohérent ;
- Considérant que, sous réserve des Considérants ci-dessus, les dispositions des articles 11, 12, 13, 29, 31, 39 et 167 nouveaux de l’arrêté n°01/2021-SENAT/P modifiant et complétant l’arrêté n°001 Bis/2016 – SENAT/P du 24 février 2016 portant Règlement intérieur du Sénat ne méconnaissant aucune exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
EN CONSEQUENCE
DECIDE
Article premier. – Sous les réserves des considérants 12,13,14 et 17, les dispositions des articles 16 alinéa 3, 18 et 19 in fine nouveaux de l’arrêté n°01/2021-SENAT/P du 19 janvier 2021 modifiant et complétant l’arrêté n°001-Bis/2016–SENAT/P du 24 février 2016 portant Règlement intérieur du Sénat doivent faire l’objet d’une concertation avec l’Exécutif.
Les dispositions des articles 11, 12, 13, 29, 31, 39 et 167 nouveaux dudit arrêté sont conformes à la Constitution.
Article 2– La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, à la Présidente de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le jeudi vingt-et-un janvier l’an deux mille vingt-et-un à quinze heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.