LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°07-AN/P du 8 mai 2006, le Président de l’Assemblée Nationale, en application des dispositions de l’article 123 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle comme suit :
« Durant la séance plénière du vendredi 5 mai 2006, l’Assemblée Nationale examinait une motion de destitution du Président de l’Assemblée Nationale sur la base de l’article 70 de la Constitution.
Au moment du vote, une partie des députés avait contesté ses modalités pratiques.
En effet, l’administration de l’Assemblée Nationale chargée de l’organisation matérielle du scrutin et soucieuse d’assurer la sincérité du vote au regard des dispositions de l’art. 67 alinéas 3, 4 et 5 de la Constitution et de l’art.83 du Règlement intérieur a utilisé un bulletin unique, une urne transparente et un isoloir pour l’opération de vote.
Certains députés avaient alors protesté à tel point que pour éviter le trouble lors du vote, le Président de séance a décidé de suspendre la séance, le temps de consulter la Haute juridiction.
La question est de savoir si l’utilisation d’un bulletin unique, d’une urne transparente et d’un isoloir est contraire aux dispositions des articles 67 et 70 de la Constitution et risque de porter atteinte au libre exercice du droit de vote des députés électeurs » ;

En la forme :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 123 de la Constitution, « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout Chef d’institution et tout organe des provinces autonomes pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution. » ;

Considérant que la consultation de la juridiction constitutionnelle par le Président de l’Assemblée Nationale, en sa qualité de Chef d’institution, tend à l’interprétation des articles 67 et 70 de la Constitution ;
Qu’ainsi, la Cour de céans est régulièrement saisie ;

Au fond :

Considérant que la présente demande est adressée à la Cour de céans par le Président de l’Assemblée Nationale en cours de procédure de destitution, procédure qui relève de l’attribution de l’Assemblée Nationale en vertu de l’article 70 de la Constitution et de l’article 13, alinéa 5, du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, ne prévoyant comme seule condition que le vote des 2/3 des députés ;

Considérant qu’aux termes de l’article 75 de la Constitution, « Les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale sont fixées, dans leurs principes généraux, par une loi organique et, dans leurs modalités, par son règlement intérieur. Le règlement intérieur est publié au journal officiel de la République » ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 67, in fine, de la Constitution, « Le vote a lieu au scrutin public et à main levée, sauf pour les questions touchant personnellement les membres de l’Assemblée Nationale » ;

Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 83 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, « L’Assemblée vote, sur les questions qui lui sont transmises, à main levée, sauf pour les questions touchant personnellement les membres de l’Assemblée Nationale » ;

Considérant qu’il s’agit, en l’espèce, d’une question touchant un membre de l’Assemblée Nationale ;

Considérant que la présente demande est relative aux modalités d’application des dispositions de l’article 70 de la Constitution dans la mesure où ni la Constitution ni le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale n’ont organisé les modalités de destitution du Président de l’Assemblée Nationale, outre celles prévues par les articles sus-énoncés ;

Considérant, en tous cas, qu’en application de l’article 75 de la Constitution, il n’appartient pas à la Haute Cour Constitutionnelle d’établir ou de fixer les modalités de vote applicables dans une institution souveraine ;
Que si l’utilisation d’un bulletin unique, d’une urne transparente et d’un isoloir est susceptible de contribuer au libre exercice du droit de vote des députés, néanmoins, elle ne constitue pas le seul mode d’expression d’un libre choix des députés ;

Considérant que depuis sa création, l’Assemblée Nationale a toujours voté malgré l’absence de précision sur les modalités de vote et que devant ses responsabilités actuelles, il lui appartient d’adopter souverainement un mode de vote susceptible de régler la question de destitution en cours ;

En conséquence,
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier.– L’utilisation d’un bulletin unique, d’une urne transparente et d’un isoloir ne constitue pas le seul mode d’expression du libre choix du droit de vote.

Article 2.– L’Assemblée Nationale est seule souveraine pour déterminer les modalités de votation en matière de destitution d’un membre du bureau permanent.

Article 3.– Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le lundi huit mai l’an deux mil six à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.