LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°10-AN/P du 8 mai 2006, le Président de l’Assemblée Nationale, en application des dispositions de l’article 123 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle comme suit :
« Il a été convenu lors de la séance plénière du vendredi 5 mai 2006 qu’en l’absence des dispositions expresses relatives à la procédure de destitution du Président de l’Assemblée nationale aussi bien au niveau de la Constitution qu’au niveau du Règlement intérieur, les règles édictées par l’art.94 de la Constitution et par les art.129 et 130 du Règlement intérieur étaient applicables.
Le vote n’a pas eu lieu car certains députés contestaient l’isoloir et le bulletin unique présentés par l’administration. Face à un risque élevé de trouble, le Président de séance avait alors suspendu la séance, le temps de consulter la Haute juridiction.
Or, l’art.94 de la Constitution parle d’un vote qui ne peut avoir lieu que 48 h après le dépôt de la motion. Tandis que l’art.130 du Règlement intérieur dans son alinéa 3 stipule que : « Aucun retrait d’une motion de censure n’est possible après sa mise en discussion. La discussion engagée est poursuivie jusqu’au vote ».
Ainsi, un vote détaché de quelques jours des débats n’aurait pas les mêmes effets que si le vote avait eu lieu immédiatement après le débat.
La question est alors de savoir si la motion de destitution du Président de l’Assemblée nationale déposée le 3 mai 2006 est caduque et/ou forclose, le vote n’ayant pas pu se tenir juste après les débats, encore moins dans les délais de 48h » ;

En la forme :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 123 de la Constitution, « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout Chef d’institution et tout organe des provinces autonomes pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution. » ;

Considérant que la consultation de la juridiction constitutionnelle par le Président de l’Assemblée Nationale, en sa qualité de Chef d’institution, tend à l’interprétation de l’article 94 de la Constitution ;
Qu’ainsi, la Cour de céans est régulièrement saisie ;

Au fond :

Considérant que le Président de l’Assemblée Nationale demande à la Cour de céans si la motion de destitution qui n’a pas été votée dans les 48 heures après son dépôt, n’est pas frappée de forclusion ou de caducité ;

Considérant qu’aux termes de l’article 94, alinéa 2, de la Constitution, « Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par la moitié des membres composant l’Assemblée Nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante huit heures après le dépôt de la motion » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 130, alinéa 5 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, « Le vote ne peut intervenir que quarante huit heures après le dépôt de la motion de censure » ;

Considérant, dans ces conditions, que ni l’article 94 de la Constitution concernant la motion de censure ni les articles 129 et 130 du règlement intérieur pris en application dudit article 94, ne prévoient ni la caducité ni la forclusion mais, au contraire, ouvrent la procédure de vote de la motion à l’expiration d’un délai de 48 heures ;

En conséquence,
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier.– Les articles 94 de la Constitution, 129 et 130 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ne prescrivent ni la caducité ni la forclusion d’une motion qui n’a pas été votée 48 heures après son dépôt.

Article 2.– Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le lundi huit mai l’an deux mil six à dix-huit heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.