La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par requête en date du 18 juillet 2006, sieurs RAKOTONIRINA Daniel et RAJAONARISOA Max, faisant élection de domicile à Ampahibe, lot II-U-40-Ter, Antananarivo et ayant pour conseil Maître RAZAFINDRAINIBE Parson Harvel, avocat à la Cour, demandent à la Haute Cour Constitutionnelle de dire que la lettre n°019-MEFB/SG/DGT/DOF du 7 avril 2006 du Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget portant remplacement de deux Administrateurs sur trois en cours de mandat représentant l’Etat au sein de la BNI/CL, ne faisant état d’aucun prétexte, constitue une violation du principe énoncé par l’article 8 de la Constitution ;
EN LA FORME :
Considérant que la requête a été introduite suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée devant la Cour Suprême, Chambre Administrative, laquelle, par arrêt en date du 21 juin 2006, a sursis à statuer en impartissant aux requérants un délai d’ un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle ;
Considérant qu’aux termes de l’article 122, alinéa 2, de la Constitution, « Si devant une juridiction quelconque une partie soulève une exception d’inconstitutionnalité, cette juridiction surseoit à statuer et lui impartit un délai d’un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle qui doit statuer dans le délai d’un mois » ;
Considérant que la requête, régulière en la forme et introduite dans le délai prescrit, est recevable ;
AU FOND :
Considérant qu’au soutien de leur requête en annulation les requérants exposent :
« Qu’en tant qu’actionnaire de la BNI-Crédit Lyonnais à concurrence de 35% du capital social, L’Etat Malagasy est représenté au sein du Conseil d’Administration par trois Administrateurs présentés par le Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget et dont la nomination est ratifiée par l‘Assemblée Générale des actionnaires ;
Que lors d’un Conseil d’administration du 17 juin 2002, Messieurs MARSON Evariste, RAJAONARISOA Max et RAKOTONIRINA Daniel ont été cooptés comme Administrateurs représentant l’Etat Malagasy jusqu’au 31 décembre 2002 en attendant la réunion de l’Assemblée Générale des Actionnaires ;
Que le renouvellement de leur mandat a été ratifié par l’Assemblée Générale du 2 avril 2003 pour une durée de six ans, devant expirer le 31 décembre 2008 ;
Que suivant lettre n°019-MEFB/SG/DGT/DOF en date du 7 avril 2006 du Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, dont photocopie a été remise par la BNI/CL aux intéressés le 14 juin 2006, le mandat d’Administrateurs de MM. RAJAONARISOA Max et RAKOTONIRINA Daniel a été révoqué, deux autres fonctionnaires des Finances étant désignés en tant que représentants de l’Etat ;
Qu’aucun motif de révocation ne leur a été notifié personnellement ni d’ailleurs invoqué dans cette lettre alors surtout que le troisième Administrateur en la personne de M. MARSON Evariste, nommé en même temps qu’eux, a été maintenu à son poste ;
Qu’il convient de rappeler que lors de leur nomination, M. RAJAONARISOA Max était Conseiller technique au Ministère des Finances et M. RAKOTONIRINA Daniel lui-même Secrétaire Général du Gouvernement ; qu’ils ont été nommés comme Administrateurs en raison de leur expérience en matière financière et bancaire, Monsieur RAJAONARISOA Max ayant été ingénieur d’Agriculture et Monsieur RAKOTONIRINA Daniel ayant été directeur pendant quinze ans au sein de la Banque Centrale, autorité de tutelle du secteur bancaire ;
Que par application du principe d’égalité des citoyens énoncé à l’article 8 de la Constitution, tout citoyen national malgache a vocation à représenter l’Etat Malagasy dans les sociétés d’Etat, qu’aucun critère de nomination n’étant fixé par un texte réglementaire, l’appréciation de l’Administration en tant que pouvoir de nomination s’exerce au moment de la nomination, que l’Administration avait estimé que MM. RAJAONARISOA Max et RAKOTONIRINA Daniel présentant la compétence nécessaire dans la gestion d’une banque d’Etat et qu’elle ne pourrait se déjuger et dire que ces derniers ne remplissent plus les conditions nécessaires en cours de mandat ;
Que l’Administration n’a pas le droit de révoquer le mandat en cours avant son expiration, sans en donner les motifs exacts, même si ce mandat est révocable à tout moment, sous peine de violation du principe d’égalité des citoyens, principe fondamental reconnu par l’article 8 de la Constitution qui stipule que « les nationaux sont égaux en droits et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination fondée sur le sexe, le degré d’instruction, la fortune, l’origine, la race, la croyance religieuse ou l’opinion » ;
Que suivant requête en date du 16 juin 2006, MM. RAJAONARISOA Max et RAKOTONIRINA Daniel ont demandé l’annulation de la lettre en date du 7 avril 2006 du Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême, laquelle juridiction a ordonné, par arrêt n°96 en date du 21 juin 2006, la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle, conformément à l’article 122 de la Constitution, et impartit aux requérants un délai d’un mois à compter de la notification pour saisir cette haute juridiction ;
Que la notification dudit arrêt a été faite par le Greffier de la Chambre Administrative au Conseil des requérants le 10 juillet 2006 ;
Qu’il est demandé à la Haute juridiction de dire que, en application du principe fondamental d’égalité des droits des citoyens énoncé par l’article 8 de la Constitution et sans opposition au principe de droit commun de révocabilité du mandat, le remplacement d’administrateurs en cours de mandat par d’autres citoyens dans une société d’Etat doit être motivé, tout citoyen national ayant vocation à représenter l’Etat dans toute société où celui-ci détient une partie du capital » ;
Considérant que la Direction de la Législation et du Contentieux, représentant l’Etat Malagasy, conclut au rejet de la requête dans sa mémoire en défense à laquelle les requérants ont répliqué ;
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Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 8 de la Constitution, « Les nationaux sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination fondée sur le sexe, le degré d’instruction, la fortune, la race, la croyance religieuse ou l’opinion » ;
Considérant ainsi que l’égalité en droit demeure un principe expressément consacré par la loi fondamentale et que la violation du principe d’égalité doit être prouvée par l’existence d’acte discriminatoire fondé sur les critères énoncés à l’article de la Constitution sus – cité ;
Considérant qu’en tout état de cause, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des règles différentes soient appliquées à des situations différentes par souci d’objectivité ;
Considérant que dans le cas d’espèce, aucune disposition légale, réglementaire ou statutaire n’a énoncé de critères restrictifs pour la désignation ou le remplacement d’administrateurs représentants de l’Etat au sein de la société anonyme BNI/CL ;
Considérant en effet que la désignation et le remplacement d’un administrateur représentant l’Etat au sein de la BNI/CL relève d’une situation de droit public et partant, du pouvoir discrétionnaire de l’Etat ;
Que cela signifie que l’autorité compétente apprécie librement le choix d’un administrateur sans que sa décision soit obligatoirement motivée et ce, indépendamment de l’existence d’une faute ;
Considérant que dans ces conditions, le remplacement de deux administrateurs sur trois ne peut en aucun cas constituer une violation du principe d’égalité tel qu’énoncé par l’article 8 de la Constitution et que, dès lors, le recours doit être rejeté comme étant non fondé ;
En conséquence,
D é c i d e :
Article premier.– La requête aux fins d’inconstitutionnalité d’une décision administrative formulée par sieurs RAJAONARISOA Max et RAKOTONIRINA Daniel, ayant pour conseil Maître RAZAFINDRAINIBE Parson Harvel, avocat au Barreau de Madagascar, est recevable.
Article 2.– Ladite requête est rejetée comme étant non fondée.
Article 3. La présente décision sera notifiée aux requérants et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le jeudi sept septembre l’an deux mil cinq à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.