La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n°2001-003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2000-014 du 24 août 2000 portant Code électoral ;
Vu l’ordonnance n°2001-002 du 31 août 2001 portant loi organique relative à l’élection du Président de la République ;
Vu le décret n°2006-299 du 9 mai 2006 portant convocation des électeurs pour l’élection du Président de la République ;
Les rapporteurs ayant été entendus;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par requête en date du 8 novembre 2006, les parlementaires ci-après nommés : RAMASY Adolphe, JEAN Félicien, BETIANA Bruno, BENJAMIN Clovis, RANDRIANAMBININA Alphonse, RAKOTOMAMONJY Jean Max, RAKOTO Julien, Robert RAZAKA, SAJY Pierre, RAMBOASOLO Lucien, VAOVAO Benjamin, FAGNANO Andriana, RANDRIAMARO Armel, RAKOTOMANANA Henri, FAHARO Ratsimbalson et un autre aux nom et signature illisibles, ont saisi la Haute Cour Constitutionnelle aux fins : « – de constater la vacance de la Présidence de la République depuis le 4 novembre 2006 conformément à l’article 52 de la Constitution ;
– de dire et juger que c’est le Président du Sénat qui assurera provisoirement les fonctions du Président de la République jusqu’à l’élection du nouveau Président de la République conformément à l’article 52 de la Constitution ;
– de constater la disqualification pour cause de déchéance de Mr RAVALOMANANA Marc en tant que candidat à la Présidence de la République à l’élection du 3 décembre 2006 » ;

Considérant que les requérants avancent divers motifs et soutiennent que l’élection présidentielle fixée au 3 décembre 2006 est une élection anticipée et que cette anticipation n’existe qu’en cas de vacance de la Présidence de la République ;
Que la vacance de la Présidence de la République survient par suite de démission, de décès, d’empêchement définitif ou de déchéance ;
Que pour le présent cas, seule la démission ou la déchéance reste applicable ;
Que faute de démission du Président de la République en exercice, les requérants déduisent que seule la déchéance devra être mise en œuvre pour que la vacance de la Présidence de la République soit effective et pour que l’élection anticipée du 3 décembre 2006 soit légale ;

Considérant que les requérants estiment que certains faits démontrent une violation répétée de la Constitution par le Président de la République tels que le refus de démission à la date du 3 novembre 2006, la loi autorisant l’acquisition des terres par les étrangers, le non respect du caractère laïc de l’Etat, la non mise en place de la Haute Cour de Justice et que l’inexistence de la Haute Cour de Justice ne saurait faire obstacle à la situation de déchéance ;

Considérant , en outre, que par lettre en date du 9 novembre 2006, les requérants ont enjoint la Cour de céans de statuer sur leur requête dans le délai de 5 jours en référence à l’article 15 de l’ordonnance n°2001-002 du 31 août 2001 portant loi organique relative à l’élection du Président de la République ;

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Considérant que, d’une part, aux termes de l’article 52 de la Constitution, « En cas de vacance de la Présidence de la République par suite de démission, de décès, d’empêchement définitif dans les conditions prévues à l’article 51 alinéa 2 ou de déchéance prononcée en application de l’article 113, il est procédé à l’élection d’un nouveau Président conformément aux dispositions des articles 46 et 47 ci-dessus.
La vacance est constatée par la Haute Cour Constitutionnelle.
Dès la constatation de la vacance de la Présidence de la République, les fonctions de Chef de l’Etat sont provisoirement exercées, jusqu’à l’entrée en fonction du Président élu ou jusqu’à la levée de l’empêchement temporaire, par le Président du Sénat ou, en cas de vacance de poste ou d’incapacité du Président du Sénat constatée par la Haute Cour Constitutionnelle, par le Gouvernement collégialement.
Pendant la période allant de la constatation de la vacance à l’investiture du nouveau Président ou à la levée de l’empêchement temporaire, il ne peut être fait application des articles 91, 94, 95 et 140 à 143 de la Constitution » ;

Que, d’autre part, aux termes de l’article 27, alinéa premier, de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle, « Outre les attributions qui lui sont dévolues par certaines dispositions constitutionnelles et législatives, la Haute Cour Constitutionnelle statue sur le contentieux :
– des opérations de référendum ;
– de l’élection du Président de la République ;
– des élections des députés et sénateurs » ;

Qu’enfin, aux termes de l’article 32, alinéa premier, de l’ordonnance n°2001-002 du 31 août 2001 portant loi organique relative à l’élection du Président de la République, « La Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de toute requête ou contestation qui pourrait s’élever tant au sujet des actes qui constituent les préliminaires des opérations électorales que de tous ceux qui ont trait au déroulement du scrutin et à l’élection présidentielle. Dans tous les cas, les recours contentieux n’ont point d’effet suspensif » ;

Considérant dès lors que l’objet de la requête relève de la compétence de la Cour de céans ;

I-Du délai pour statuer sur une requête déposée aux fins de constatation de la vacance de la Présidence de la République :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n°2001-002 du 31 août 2001 portant loi organique relative à l’élection du Président de la République et invoqué par les requérants, « La liste des candidats avec la couleur, l’emblème ou le signe de leurs bulletins de vote respectifs est définitivement arrêtée au plus tard cinq jours après la date limite du dépôt de candidature et doit être affichée au siège de la Haute Cour Constitutionnelle et publiée au journal officiel de la République » ;

Considérant que par le décret n°2006-672 du 12 septembre 2006 fixant les conditions d’application de l’ordonnance suscitée, le dernier délai de dépôt de candidature était fixé au 14 octobre 2006 et que la Haute Cour Constitutionnelle a effectivement publié la liste définitive des candidats le 18 octobre 2006, conformément aux dispositions légales suscitées ;

Considérant ainsi qu’il est évident que le délai de 5 jours visé à l’article 15 ci-dessus concerne uniquement le délai pour l’arrêtage définitif de la liste des candidats et non un délai imposé par la loi pour statuer sur une requête introduite aux fins de constater la vacance et la disqualification d’un candidat à l’élection présidentielle ;
Que s’agissant de ces deux dernières matières, la Haute Cour Constitutionnelle n’est donc soumise à aucune contrainte de délai pour statuer ;

II- De l’acception normative des situations visées dans la requête :

II.a- de la vacance par suite de déchéance :

Considérant qu’après avoir eux-mêmes prononcé par déduction la déchéance du Président de la République, les requérants demandent à la Cour de céans de constater la vacance de ladite fonction ;

Considérant que selon les dispositions de l’article 52 de la Constitution, la vacance de la Présidence de la République survient par suite de démission, de décès, d’empêchement définitif ou de déchéance ;

Considérant que les Constitutions successives de la République ont toujours énuméré les cas classiques susceptibles d’entraîner une interruption définitive du mandat présidentiel, soit par la volonté personnelle du Président de la République, soit involontairement par décès, soit par décision de la juridiction compétente clairement désignée par la Constitution ;

Que la Constitution actuelle traite du cas de l’empêchement définitif en son article 51 et du cas de la déchéance en son article 113 ;

Considérant qu’en matière de déchéance, au sens des dispositions de l’article 113 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle constate la vacance de la Présidence de la République après le prononcé de la déchéance par la juridiction compétente ;

Considérant que la déchéance demeure en tout moment une situation de droit clairement réglementée par le constituant pour sauvegarder l’intérêt supérieur de la Nation ;

Que la mise en œuvre de la déchéance du Président de la République, eu égard à la nécessité de respecter l’Etat de droit, est assujettie à une procédure spéciale aboutissant à une décision juridictionnelle ;

Qu’ainsi, la déchéance ne saurait guère être considérée comme une situation de fait laissée à l’appréciation libre d’un groupe de personnes non habilité par la Constitution pour la prononcer ;

Considérant en conséquence que les requérants, en prononçant eux-mêmes la déchéance du Président de la République à la suite d’une simple déduction, se sont attribué à tort des compétences juridictionnelles, se sont écartés du droit et sont entrés en contradiction flagrante avec les dispositions constitutionnelles en vigueur ;

Que dans ces conditions, la Cour ne saurait constater la vacance de la Présidence de la République ;

II.b- de la démission :

Considérant que les constituants respectifs de 1975 et de 1992 ont traité des cas spécifiques de démission du Président de la République ;

Qu’en effet, d’une part, la Constitution du 31 décembre 1975 en son article 47, alinéa 3, a prévu la possibilité pour le Président de la République de décider de mettre fin à son mandat avant son terme constitutionnel pour l’intérêt suprême de la Nation ; que d’autre part, la Constitution du 18 septembre 1992 en son article 46, alinéa 2, a obligé le Président de la République en exercice désirant se porter candidat, à démissionner la veille de l’ouverture de la campagne électorale ;

Considérant cependant qu’ultérieurement, suite aux modifications apportées à la Constitution du 18 septembre 1992 en 1995 et en 1998, le constituant n’a plus repris les anciens termes sur la démission du Président de la République, la Constitution révisée ayant seulement disposé en son article 47 in fine que « Le Président en exercice reste en fonction jusqu’à l’investiture de son successeur » ;

Considérant dès lors que la démission énoncée à l’article 52 de la Constitution révisée ne peut que résulter d’une volonté expresse du Président de la République en tant que de besoin, ladite démission n’étant liée ni soumise à aucune autre condition à la lecture des dispositions constitutionnelles en vigueur, d’autant plus que la notion de démission d’office a été écartée par le constituant ;

Considérant que les requérants ont lié l’obligation de démission du Président de la République à la fixation de la date de l’élection présidentielle ;

Qu’il est à préciser que la fixation de cette date relève exclusivement de la compétence du Conseil de Gouvernement , institution chargée de la garantie et de la mise en œuvre de l’intérêt général ;

Qu’en tout état de cause, l’organisation de l’élection à la date du 3 décembre 2006 constitue bien une remise du pouvoir d’élire le Président de la République entre les mains du corps électoral avant la fin du mandat présidentiel de 5 ans prévu par la Constitution, après avoir reçu de la part de la Haute Cour Constitutionnelle un avis de conformité aux principes communément admis de la démocratie laquelle constitue le fondement de la République ;

Considérant, en conséquence, que l’obligation pour le Président en exercice de démissionner à la date du 3 novembre 2006 alléguée par les requérants, ne peut être justifiée ni sur le plan constitutionnel ni sur le plan légal ;

II.c- de la disqualification :

Considérant que la loi organique n°2000-014 du 24 août 2000 portant Code électoral a prévu en ses articles 128 et 131 deux cas pouvant entraîner la disqualification d’un candidat :

1- le fait pour tout chef d’Institution et tout membre d’Institution en exercice ou sortant, tout fonctionnaire d’autorité civile ou militaire, candidats à une élection, d’avoir usé des prérogatives de puissance publique dont ils disposent pour influencer le choix des électeurs ;

2- le fait pour le candidat, pendant la campagne électorale, d’avoir troublé la paix publique par voie de rixes, bagarre ou autres voies de fait, par des coups et blessures, d’homicide, de destruction ou dommages aux biens, directement ou indirectement par personnes interposées ou groupe de personnes ;

Considérant, d’une part, que les requérants n’ont pu relever des cas rentrant dans les dispositions légales susvisées et que, d’autre part, faute de décision juridictionnelle prononçant la déchéance, la Haute Cour Constitutionnelle ne peut prononcer la disqualification du Président de la République en exercice, candidat à l’élection présidentielle du 3 décembre 2006 ;

Considérant que de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la requête comme non fondée ;

En conséquence,
d é c i d e :

Article premier.– La requête des sieurs RAMASY Adolphe et consorts aux fins de constatation de la vacance de la Présidence de la République et de disqualification du Président de la République en exercice à l’élection présidentielle du 3 décembre 2006, est rejetée comme non fondée.

Article 2.– La présente décision sera notifiée aux requérants et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le jeudi vingt-trois novembre l’an deux mil six à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller-Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA – FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.