La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums ;
Vu la loi organique n°2018-009 du 11 mai 2018 relative à l’élection du Président de la République ;
Vu le décret n°2023-863 du 11 juillet 2023 portant convocation des électeurs pour l’élection présidentielle modifié par le décret n°2023-1396 du 13 octobre 2023 ;
Vu la décision n°11-HCC/D3 du 9 septembre 2023 arrêtant la liste définitive des candidats au premier tour de l’élection présidentielle du 9 novembre 2023 ;
Vu la décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023 relative à une requête aux fins de constatation d’un cas de force majeure et de report de l’élection présidentielle du 9 novembre 2023 ;
Vu la requête du candidat RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo, déposée au greffe de la Cour de céans le 23 octobre 2023 aux fins de constatation d’un nouveau cas de force majeure et de report de l’élection présidentielle du 16 novembre 2023 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
- Considérant que par requête en date du 19 octobre 2023, enregistrée le 23 octobre 2023 au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle, le candidat n°7, RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo, et le parti politique ANJOMARA SY RIVO-BAOVAO, ayant pour conseil Maître RAKOTONIRINA Luc Marcel, avocat au Barreau de Madagascar, saisissent la Cour de céans aux fins de constatation officielle d’un nouveau cas de force majeure en application de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution de la IVème République, avec toutes les conséquences de droit, et de prononcer le report de l’élection présidentielle à une nouvelle date;
Des moyens et des prétentions des requérants
- Considérant qu’aux motifs de leur demande, ils exposent que selon les dispositions de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution : « En cas de décès d’un candidat avant un tour de scrutin, ou s’il survient un autre cas de force majeure dûment constaté par la Haute Cour Constitutionnelle, l’élection est reportée à une nouvelle date dans les conditions et selon les modalités qui seront définies par une loi organique » ;
Que par sa décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023, la Haute Cour Constitutionnelle a ordonné le report de la date du premier tour de l’élection présidentielle au 16 novembre 2023 ;
Qu’actuellement, en raison d’une vitrectomie à l’œil droit effectuée à l’île Maurice le 16 octobre 2023, nécessitant plusieurs visites postopératoires et d’un suivi au Dr Agarwal’s Eye Hospital, le candidat RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo se trouve empêché de participer à la campagne électorale en tant que candidat, à la concrétisation de la démocratie laquelle ne peut s’exercer que par la voie des urnes ;
Que l’article 47 alinéa 4 de la Constitution attribue à la Haute Cour Constitutionnelle la compétence afin de constater le cas de force majeure ;
Que par ailleurs, selon l’article 65 de la loi organique n°2018-009 du 11 mai 2018 : « La Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de toute requête ou contestation se rapportant aux actes qui constituent les préliminaires des opérations électorales et à ceux qui ont trait au déroulement du scrutin » ;
Qu’en outre, dans le considérant n°13 de la décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023, la Haute Cour Constitutionnelle a rappelé son rôle et sa fonction en tant qu’organe de régulation du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ;
Qu’en tout état de cause, la Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de leur requête ;
Que d’une part, l’article 47 alinéa 4 de la Constitution dispose que : « en cas de décès d’un candidat avant un tour de scrutin, ou s’il survient un autre cas de force majeure dûment constaté par la Haute Cour Constitutionnelle, l’élection est reportée à une nouvelle date dans les conditions et selon les modalités qui seront définies par une loi organique » ;
Que l’article 116-4° de la Constitution dispose que : « Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle, dans les conditions fixées par une loi organique : […] 4° statue sur le contentieux des opérations de référendum, de l’élection du Président de la République et des élections des députés et des sénateurs » ;
Que l’article 65 alinéa premier de la loi organique n°2018-009 du 11 mai 2018 relative à l’élection du Président de la République précise que : « La Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de toute requête ou contestation se rapportant aux actes qui constituent les préliminaires des opérations électorales et à ceux qui ont trait au déroulement du scrutin. » ;
Que d’autre part, il se trouve que leur requête porte sur un nouveau cas de force majeure qui n’a pas encore été soumis à l’examen de la Haute Cour Constitutionnelle, parce que les faits nouveaux qui constituent ledit cas de force majeure datent du 16 octobre 2023 ;
Qu’en effet, le candidat n°7 RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo se trouve empêché de participer à la concrétisation de la démocratie laquelle ne peut s’exercer que par la voie des urnes, à cause d’une vitrectomie à son œil droit effectuée à l’île Maurice le 16 octobre 2023 ;
Que selon la décision n°11-HCC/D3 du 9 septembre 2023, la candidature de RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo a été validée pour l’élection présidentielle ; que suivant la procédure requise par la loi, un numéro officiel lui a été attribué lors du tirage au sort officiel entre les treize candidats organisé par la CENI ;
Qu’étant donné que le requérant est un candidat en lice à l’élection présidentielle de 2023 à Madagascar, sa qualité et son intérêt pour agir aux fins de constatation du nouveau cas de force majeure et du report de l’élection ne font l’objet d’aucun doute ;
Que par sa décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023, la Haute Cour Constitutionnelle a ordonné le report de la date du premier tour de l’élection présidentielle au 16 novembre 2023 ;
Que le candidat n° 7 RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo se trouve empêché de participer à la concrétisation de la démocratie laquelle ne peut s’exercer que par la voie des urnes ; qu’il lui est notamment impossible d’exercer les droits intangibles et inaliénables que la Constitution et les lois lui confèrent en tant que candidat officiellement retenu par la Haute Cour Constitutionnelle pour l’élection présidentielle à venir et, entre autres, le droit de faire campagne en vue de sa propre élection ; qu’or la période de campagne électorale constitue une période intangible et inaliénable, au même titre que les droits du candidat de tenir des meetings, de se présenter aux électeurs personnellement en tous lieux du territoire, de disposer des temps de parole et des temps d’antenne en tous lieux ;
Que l’article 57 de la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 précise entre autres que : « La campagne électorale est régie par les principes fondamentaux suivants : […] l’équité et l’égalité des chances entre tous les candidats ; […] le respect de l’intégrité physique, de l’honneur et de la dignité des candidats et des électeurs » ;
Que de surcroît, la Haute Cour Constitutionnelle a précisé, dans le considérant n°12 de sa décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023 ce qui suit : l’article 1er alinéa 3 de la Constitution dispose que : « la démocratie et le principe de l’Etat de droit constituent le fondement de la République » ; que l’article 5 de la Constitution ajoute que « La souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir, qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par la voie du référendum » ; « que la démocratie dans un Etat de droit ne peut s’exercer que par la voie des urnes ; que les principes universels qui régissent les élections sont la liberté, la sincérité du vote et l’égalité de chance des candidats ; que telles sont les garanties d’élections justes, transparentes et apaisées[…] » ;
Que de ce qui précède, il ne fait l’objet d’aucun doute que le cas de force majeure soit constaté par la Haute Cour Constitutionnelle en vertu de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution de la IVème République de Madagascar, avec toutes ses conséquences de droit ;
Qu’à titre subsidiaire, il y a lieu de rappeler que dans les considérants 13 et 14 de sa décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023, la Haute Cour Constitutionnelle rappelle sa fonction de régulation ; que le considérant n°13 précise notamment ce qui suit : « la Cour de céans rappelle que, conformément à l’esprit de la Constitution, elle représente l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics, notamment lorsque celle-ci est entravée dans l’exercice des attributions qui leur sont conférées par la Constitution ; que toutefois, cette fonction de régulation, réalisée dans des circonstances exceptionnelles, s’analyse en un recours dans l’intérêt de la Constitution et est dictée par la nécessité de faire respecter l’esprit de la Constitution » ;
Qu’ainsi, afin de respecter les principes universels reconnus par la Haute Cour Constitutionnelle, en matière de démocratie et d’élection, et également pour assurer le respect de la liberté de candidature consacrée à l’article 15 de la Constitution, ainsi que l’article 57 de la loi organique n° 2018-008 du 11 mai 2018, en matière d’égalité de chance ainsi que de respect de l’intégrité physique des candidats, il y a lieu de procéder au report des élections ;
Sur la recevabilité de la requête
- Considérant que l’article 120 alinéa 3 de la Constitution dispose que « les arrêts et les décisions de la Haute Cour Constitutionnelle […] ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils s’imposent à tous les pouvoirs publics ainsi qu’aux autorités administratives et juridictionnelles » ;
- Considérant que par la décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023 relative à une requête aux fins de constatation d’un cas de force majeure et de report de l’élection présidentielle du 9 novembre 2023, la Haute Cour de céans a déjà statué que la blessure d’un candidat ne peut constituer un cas de force majeure suivant les considérants n°10 et 11 ;
- Considérant que les requérants demandent à la Haute Cour Constitutionnelle, la constatation d’un nouveau cas de force majeure à cause de l’intervention chirurgicale au niveau de l’œil droit du candidat n°7 RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo effectuée au Centre Hospitalier Dr Agarwal’s Eye Hospital, à l’île Maurice, le 16 octobre 2023 ; que les requérants soutiennent que l’état de santé du candidat n°7 nécessite plusieurs visites postopératoires et de suivi médical par le Centre Hospitalier qui l’ a pris en charge ;
- Considérant que la vitrectomie à l’œil droit effectuée par l’équipe médicale du Centre Hospitalier Dr Agarwal’s Eye Hospital est un prolongement du traitement médico-chirurgical du candidat n°7 RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo suite à sa blessure ; que de ce fait, cette opération chirurgicale ne constitue pas un fait nouveau et ne peut être considérée comme un cas de force majeure au sens de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution tel qu’il a été établi par la décision n°14-HCC/D3 du 12 octobre 2023;
- Considérant qu’en application des dispositions de l’article 120 de la Constitution précitées, il y a lieu de déclarer irrecevable la requête tendant au report de l’élection présidentielle du 16 novembre 2023 formulée par le candidat n°7 RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo et le parti politique ANJOMARA SY RIVO-BAOVAO ;
EN CONSEQUENCE
DECIDE
Article premier. La requête formulée par le candidat n°7 à l’élection présidentielle RAOBELINA ANDRIAMALALA Andry Tsiverizo et le parti politique ANJOMARA SY RIVO-BAOVAO tendant à la constatation d’un nouveau cas de force majeure et au report de l’élection présidentielle du 16 novembre 2023 à une nouvelle date est irrecevable.
Article 2. La présente décision sera notifiée au Gouvernement collégial exerçant les fonctions du Chef d’Etat par intérim, au Premier Ministre Chef du Gouvernement, au Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante, aux requérants ainsi qu’à tous les candidats et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi vingt-cinq octobre l’an deux mille vingt-trois à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia,Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette,Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;
Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.