La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 fixant les règles relatives au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;
Vu le décret n°2023-1390 du 11 octobre 2023 portant convocation du Sénat en session extraordinaire compte tenu des dispositions de la Constitution ;
Vu l’arrêté n°01 /2021- SENAT/P du 19 Janvier 2021 modifiant et complétant l’arrêté n° 001 Bis 2016-SENAT/P du 24 février 2016 portant règlement intérieur du Sénat ;
Vu le procès-verbal PVA-EX-OR1-001-10-23-V de la séance plénière du Sénat en date du 12 octobre 2023 ;
Vu la résolution en date du 11 octobre 2023 signée par 14 Sénateurs de Madagascar ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
- Considérant que suivant lettre en date du 10 octobre 2023 déposée à la Cour de céans le 16 octobre 2023, Monsieur RAZAFIMAHEFA Herimanana a saisi la Haute Cour Constitutionnelle d’une requête aux fins de :
-Considérer comme nulle et non avenue la lettre de renonciation au poste de Chef de l’Etat par intérim ;
-Constater la nullité de la mise en place du Gouvernement collégial ;
-Désigner le Président du Sénat au poste de Chef de l’Etat par intérim pour le respect de la Constitution ;
Des moyens et des prétentions des parties
- Considérant qu’ aux motifs de sa requête, Monsieur Herimanana RAZAFIMAHEFA soutient que conformément aux dispositions de l’article 52 de la Constitution : « Par suite de démission, d’abandon du pouvoir sous quelque forme que ce soit, de décès, d’empêchement définitif ou de déchéance prononcée, la vacance de la Présidence de la République est constatée par la Haute Cour Constitutionnelle.» ; que l’article 46 alinéa 2 de la Constitution dispose que « dans ce cas, la Président du Sénat exerce les attributions présidentielles courantes jusqu’à l’investiture du nouveau Président » ;
Que suite à la démission du Président de la République qui est candidat aux élections à sa propre succession, et dont la candidature a été validée par la Cour dans sa décision n°11-HCC/D3 en date du 9 septembre 2023, la Haute Cour Constitutionnelle est donc compétente ;
Que l’article 52 alinéa 2 prévoit que « dès la constatation de la vacance de la présidence, les fonctions de chef d’État sont exercées par le Président du Sénat » ; que la vacance de la présidence a été constatée par la Haute Cour Constitutionnelle par sa décision n°12-HCC/D3 du 9 septembre 2023 ; que la Constitution ne prévoit aucun délai de recours ;
Qu’en sa qualité de Président du Sénat, il a le droit de saisir la Haute Cour pour contrôle de constitutionnalité de tout texte à valeur législative ou règlementaire ainsi que toute matière relevant de sa compétence ;
Que la mission d’assurer l’intérim du Chef de l’Etat est une obligation constitutionnelle tel qu’il ressort de l’article 52 alinéa 2 de la Constitution ; qu’une simple lettre de renonciation n’est en aucun cas valable vis-à-vis d’une obligation suprême de l’Etat ;
Que la décision n°12-HCC/D3 du 9 septembre 2023 portant constatation de la vacance de la présidence de la République, de la renonciation à l’exercice des fonctions de Chef de l’Etat par intérim et de désignation du Gouvernement collégial à exercer les fonctions de Chef de l’Etat viole les dispositions constitutionnelles en la matière puisque cette fonction n’a pas été exercée par le Président du Sénat prévu par la Constitution mais par d’autre entité ;
Qu’il sollicite la Cour de juger en pleine conscience puisque le recours devant la Haute Cour Constitutionnelle est déposé suite à une garantie de protection renforcée particulière au bénéfice de sa personne ainsi qu’à sa famille par craintes de violences physiques et morales à son encontre ; que la lettre de renonciation motivant la décision de la Haute Cour Constitutionnelle est entachée d’un vice de consentement lié à des contraintes physiques et morales ;
En la forme :
- Considérant que l’article 118 de la Constitution dispose que « Un Chef d’Institution ou le quart des membres composant l’une des Assemblées parlementaires ou les organes des Collectivités Territoriales Décentralisées ou le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de droit peuvent déférer à la Cour Constitutionnelle, pour contrôle de constitutionnalité, tout texte à valeur législative
ou réglementaire ainsi que toutes matières relevant de sa compétence» ;
- Considérant que le 16 octobre 2023, Monsieur Herimanana RAZAFIMAHEFA a déposé une requête auprès de la Haute Cour de céans pour retirer sa lettre de renonciation à exercer les fonctions de Chef de l’Etat par intérim et appliquer l’article 46 alinéa 2 de la Constitution ;
- Considérant toutefois que le 12 octobre 2023, le Sénat a adopté une résolution portant destitution de son Président, et que le 13 octobre, les Sénateurs ont élu un nouveau Président à la tête du Sénat ; que par conséquent, au moment de la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle, Monsieur Herimanana RAZAFIMAHEFA n’avait plus la qualité de Chef d’institution et ne pouvait plus saisir directement la Haute Cour Constitutionnelle en application de l’article 118 de la Constitution ;
- Considérant néanmoins que pour une bonne administration de la justice et dans l’intérêt de l’Etat de droit, la Cour de céans a examiné les griefs soulevés par le requérant ; que dans sa requête, Monsieur Herimanana RAZAFIMAHEFA a soulevé qu’il a signé sous la contrainte sa lettre de renonciation en date du 8 septembre 2023, et que sa famille et lui même étaient menacés ;
- Considérant que la Cour de céans n’est pas une juridiction pénale, qu’elle ne peut pas établir la véracité des faits évoqués ; que de ce fait, elle ne peut pas statuer sur la base d’une simple déclaration ;
- Considérant de plus que les Sénateurs dans leur résolution de destitution en date du 12 octobre 2023 ont affirmé qu’ils ont vérifié la véracité des déclarations du requérant et qu’ils affirment que le premier responsable de la sécurité de l’ancien Chef d’institution n’était pas informé de cette menace ;
Que les déclarations manifestement contradictoires font ressortir une divergence de vue politique entre les Sénateurs et leur Chef d’institution ; qu’en outre il est utile de rappeler que le 13 septembre 2023, le requérant a fait une déclaration publique confirmant sa lettre de renonciation en date du 8 septembre 2023 ; qu’une telle déclaration publique venant d’un haut responsable de l’Etat est lourde de sens ;
- Considérant qu’en tout état de cause, suivant décision n°13-HCC/D3 du 26 septembre 2023, la Haute Cour Constitutionnelle a déjà déclaré irrecevable le recours tendant à un contrôle de constitutionnalité de la décision n°12-HCC/D3 désignant le Gouvernement collégial exerçant les fonctions de Chef de l’État par intérim ; qu’en application des articles 118 et 120 de la Constitution, la requête formulée par Monsieur RAZAFIMAHEFA Herimanana est irrecevable ;
EN CONSEQUENCE
DECIDE :
Article premier.- La requête de Monsieur RAZAFIMAHEFA Herimanana est irrecevable.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Gouvernement Collégial, au Premier Ministre Chef du Gouvernement, à la Présidente de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat, au requérant et publié au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le vendredi vingt-sept octobre l’an deux mille vingt-trois à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia,Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette,Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;
Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.