LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°749/PM/SP/F en date du 14 juin 2005, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, en application de l’article 123 de la Constitution, demande l’avis de la Haute Cour Constitutionnelle sur « l’interprétation de l’article 93 de la Constitution. » ;

Qu’il expose que :

« … en raison de la brièveté dudit article :
– d’une part, sur la base de ce même texte, le Sénat et l’Assemblée Nationale ont fait une application différente ;
– d’autre part, au sein d’une même institution, son application est évolutive.
C’est pourquoi, son interprétation s’avère nécessaire notamment sur :
– la détermination de la date de la séance mensuelle ;
– les modalités pratiques de son déroulement ;
– les différences éventuelles entre suggestions (article 90), débat (article 92) et questions (article 93). » ;

En la forme :

Considérant qu’aux termes de l’article 123 de la Constitution, « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout chef d’Institution et tout organe des provinces autonomes pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution. » ;

Considérant que la consultation du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, en sa qualité de chef d’Institution, tend à l’interprétation des dispositions de l’article 93 de la Constitution concernant les moyens d’information du Parlement à l’égard de l’action gouvernementale ;

Qu’ainsi, la Cour de céans est régulièrement saisie ;

Au fond :

Considérant qu’aux termes de l’article 93 de la Constitution, « Les moyens d’information du Parlement à l’égard de l’action gouvernementale sont la question orale, la question écrite, l’interpellation et la commission d’enquête.

Pendant la durée d’une session ordinaire, une séance par mois est réservée, par priorité, aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. » ;

Considérant que ledit article détermine le mécanisme permettant au Parlement d’assurer sa mission de contrôle de l’action du Gouvernement et, plus précisément, en matière d’information et de surveillance ;

Que la consultation soumise à la Cour de céans concerne essentiellement le régime des questions posées par les parlementaires et les réponses du Gouvernement ;

Que le mécanisme des questions, bien que commun aux deux chambres du Parlement d’après la Constitution, diffère quant à son application en raison des dispositions du règlement intérieur de chaque assemblée ;

Qu’en tout cas, les questions font partie des techniques individuelles de contrôle ayant pour objet de permettre aux parlementaires de recueillir des informations sur l’activité du Gouvernement ou le fonctionnement de l’administration, des services et entreprises publics placés sous l’autorité du Gouvernement ;

Sur la détermination de la date de la séance mensuelle :

Considérant que selon l’alinéa 2 de l’article 93 précité, une séance par mois est réservée aux questions des parlementaires et aux réponses du Gouvernement ; qu’ainsi, le contrôle par questions a un caractère systématique et régulier et que son organisation relève des attributions de la Conférence des Présidents de chaque chambre quant au calendrier et à l’ordre du jour ;

Que toutefois, même si l’initiative est réservée aux assemblées, il est de principe que :
– la date et l’ordre du jour soient négociés et planifiés de concert avec le Gouvernement ;
– normalement, une séance de questions – réponses ne saurait se tenir plus d’une journée dans le mois ;

Sur les modalités pratiques du déroulement de la séance mensuelle :

Considérant que la Constitution fait état de questions orales et de questions écrites ; que le dernier amendement du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale en date du 19 mai 2004 a introduit la notion de question d’actualité et d’intérêt national ayant un caractère spontané ;

Que si, en principe, la procédure relative aux questions orales, explicitée par le règlement intérieur de chaque assemblée, requiert un exposé écrit et succinct faisant ressortir les éléments strictement indispensables à la compréhension des questions préalablement déposées auprès du bureau de chaque assemblée et notifiées au Gouvernement, il n’en est pas de même concernant les questions d’actualité et d’intérêt national posées spontanément, qui échappent à cette procédure et pour lesquelles ne sont requis que l’identité du parlementaire auteur de la question et le nombre de questions à poser ;

Que dans ces conditions et en vertu des principes de la démocratie et de l’indivisibilité du Gouvernement, la réponse du Gouvernement ne pouvant être sur le champ que ponctuelle et limitée, celui-ci, en tant que de besoin, peut la réserver à la prochaine séance mensuelle ;

Considérant, par ailleurs, que la notion de questions, au sens de l’article 93 de la Constitution, ne saurait être assimilée à la notion de suggestions prévue par l’article 90 de la même Constitution par laquelle l’Assemblée Nationale avance des propositions, recommandations, avis ou conseils dépourvus de valeur contraignante, ni à la notion de débat évoquée à l’article 92 requis par la présentation du rapport annuel d’exécution du programme du Gouvernement où les opinions divergentes peuvent être développées ;

Qu’enfin, la séance des questions n’a pour objet que d’informer les parlementaires sans qu’un vote de chaque assemblée n’ait lieu ;

En conséquence,
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier.– La date de la séance mensuelle est déterminée en Conférence des Présidents, de concert avec le Gouvernement.

Article 2.– Les modalités pratiques du déroulement de la séance mensuelle s’exercent conformément au règlement intérieur de chaque chambre du Parlement.

Article 3.– En cas de questions spontanées d’actualité et d’intérêt national, le Gouvernement, en tant que de besoin, peut différer ses réponses à la prochaine séance mensuelle.

Article 4.– La notion de questions au sens de l’article 93 de la Constitution, est indépendante de celle de suggestions prévue par l’article 90 et de celle de débat évoquée à l’article 92.

Article 5.– Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le jeudi seize juin l’an deux mil cinq à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.