LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,

Au vu des textes suivants :

  • La Constitution ;
  • L’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
  • La loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums ;
  • La loi organique n°2018-010 du 11 mai 2018 relative à l’élection des Députés à l’Assemblée nationale modifiée par la loi organique n°2019-002 du 14 Février 2019;
  • Le décret n°2018-640 du 29 juin 2018 fixant les conditions d’application de certaines dispositions de la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums ;
  • Le décret n°2024-243 du 13 février 2024 portant convocation des électeurs pour les élections législatives ;
  • Le décret n°2024-244 du 13 février 2024 fixant le montant de la contribution des candidats aux frais d’impression des bulletins de vote pour les élections législatives ainsi que leurs modalités de remboursement et de reversement ;
  • Le décret n°2024-582 du 13 mars 2024 fixant le nombre des membres de l’Assemblée Nationale, la répartition des sièges sur l’ensemble du territoire national ainsi que le découpage des circonscriptions électorales pour des élections législatives ;
  • Le décret n°2024-644 du 14 mars 2024 fixant les modèles des pièces à fournir par tout candidat aux élections législatives ;
  • Le décret n°2024-645 du 14 mars 2024 fixant les modalités d’organisation des élections législatives ;

Au vu des pièces suivantes :

  • Les procès-verbaux établis par les Sections de Recensement Matériel des Votes ;
  • Les résultats consignés dans les procès-verbaux et feuilles de dépouillement établis au niveau des bureaux de vote ;
  • La délibération n°022/CENI/D/2024 du 28 mars 2024 modifiée par la délibération n°057/CENI/D/2024 du 20 avril 2024 et par la délibération n°63/CENI/D/2024 du 27 mai 2024 arrêtant la liste et l’emplacement des bureaux de vote aux élections législatives ;
  • La délibération n°056/CENI/D/2024 du 16 avril 2024 portant arrêtage et publication de la liste définitive des candidats par circonscription pour les élections législatives du 29 mai 2024 ;
  • La délibération n°71/CENI/D/2024 du 11 juin 2024 portant proclamation des résultats provisoires des élections législatives du 29 mai 2024 ;
  • Les requêtes relatives aux élections législatives du 29 mai 2024 adressées à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Après avoir entendu Mesdames et Messieurs les Hauts Conseillers Constitutionnels en leurs rapports respectifs ;

Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d’erreurs matérielles, procédé aux redressements qui ont été jugés nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE S’EST FONDEE SUR CE QUI SUIT :

SUR LES COMPETENCES DE LA COUR

  1. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 116.4 de la Constitution, « Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle, dans les conditions fixées par une loi organique […] statue sur le contentieux des opérations de référendum, de l’élection du Président de la République, des élections des députés et des sénateurs» ; que selon l’article 116.5, elle « proclame le résultat officiel des élections présidentielles, législatives et des consultations par référendum » ;
  2. Considérant que selon les dispositions de l’article 200 alinéa premier de la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums,« la Haute Cour Constitutionnelle statue sur toute requête contentieuse relative au référendum, à l’élection du Président de la République, aux élections législatives et sénatoriales » ;

Que l’article 48 de la loi organique n°2018-010 du 11 mai 2018 relative à l’élection des Députés à l’Assemblée Nationale ajoute que « la Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de toute requête ou contestation se rapportant aux actes qui constituent les préliminaires des opérations électorales et à ceux qui ont trait au déroulement du scrutin. Elle est seule compétente pour apprécier la nullité totale ou partielle qui pourrait résulter de l’omission de formalités substantielles. Lors du contrôle de la légalité des procès-verbaux des bureaux de vote et des Sections de Recensement Matériel des Votes, la Haute Cour Constitutionnelle, en l’absence de tout recours, peut se saisir d’office lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation des dispositions législatives ou réglementaires, ou pour des motifs d’ordre public. » ; qu’ainsi la compétence de Haute Cour Constitutionnelle est établie ;

  1. Considérant que l’article 45 de la loi organique n°2018-010 précitée dispose que « la Haute Cour Constitutionnelle procède à la proclamation officielle des résultats définitifs dans un délai de seize (16) jours à partir de la date de publication des résultats provisoires par la Commission Electorale Nationale Indépendante » ;

Que par délibération n°71-CENI/D du 11 juin 2024, la Commission Electorale Nationale Indépendante a arrêté et publié les résultats provisoires des élections législatives du 29 mai 2024 ; que la proclamation officielle des résultats définitifs effectuée ce jeudi 27 juin 2024 rentre bien dans le délai prescrit ;

CONCERNANT LES REQUÊTES EN CONTENTIEUX

4.Considérant que la Haute Cour de céans a traité les requêtes, au nombre de 1523, reçues du 30 mai 2024 au 13 juin 2024, dans le cadre des arrêts suivants :

  • Arrêt n°27-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à l’irrecevabilité des requêtes concernant les élections législatives du 29 mai 2024 ;
  • Arrêt n°28-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à des rejets de requêtes concernant les élections législatives du 29 mai 2024 pour insuffisance ou absence de preuve ;
  • Arrêt n°29-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à des infractions pénales lors des élections législatives du 29 mai 2024 ;
  • Arrêt n°30-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à des requêtes en disqualification de candidats lors des élections législatives du 29 mai 2024 ;

5.Considérant que le contentieux électoral est l’ensemble des litiges qui peuvent survenir à l’occasion des élections, qu’il s’agisse de l’organisation du scrutin, de la campagne électorale, du déroulement du vote ou de la proclamation des résultats provisoires électoraux;  que le droit électoral découlant des textes régissant les élections à Madagascar a pour objet de garantir la sincérité du scrutin qu’est la conformité du résultat de l’élection à la volonté réelle des électeurs; que la sincérité du scrutin implique le respect de plusieurs conditions, telles que la liberté, l’égalité, la transparence et le secret du vote ; elle suppose que les électeurs ne soient pas soumis à des pressions, des fraudes ou des irrégularités susceptibles d’altérer leur choix ;

Qu’il en découle qu’on peut définir la sincérité du scrutin comme le révélateur de la volonté réelle de l’électeur, dès lors que celle-ci ne peut pas être connue de manière certaine, et qu’il est impossible de connaître avec certitude le choix majoritaire des électeurs, le juge électoral en tire les conséquences requises, telles que l’annulation du scrutin dans certaines circonscriptions ou bureau de vote ;

6.Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie  de requêtes déposées par des candidats, des électeurs ainsi que par l’Observatoire SAFIDY  se basant sur des violations de la neutralité de l’administration dont le non-respect donne lieu à la rupture d’égalité des candidats , sur des infractions constitutives d’entrave à la liberté et à la sincérité du scrutin et du vote ; qu’il est principalement évoqué le cas des achats de suffrage, de l’existence de contrainte ou d’abus de pouvoir dans le but d’influencer ou de modifier le choix d’un ou plusieurs électeurs, que ces infractions sont prévues et punies par les articles 229 à 234 du régime général des élections ;

Sur le moyen fondé sur la violation de  l’article 49 de la Constitution par le Président de la République :

7.Considérant que l’article 49 de la Constitution dispose que « Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec toute fonction publique élective, toute autre activité professionnelle, toute activité au sein d’un parti politique, d’un groupement politique, ou d’une association, et de l’exercice de responsabilité au sein d’une institution religieuse.”; que l’article 61 de la loi n°2018-008 sur le régime général des élections énonce que « Toute inauguration officielle est interdite pendant la durée de la campagne électorale. Aucune annonce majeure liée à, ou visant à créer une perception favorable envers un parti politique, un candidat ou une liste de candidats ne doit être faite par l’Administration de l’Etat ou des collectivités territoriales décentralisées pendant la période de la campagne électorale.”

8.Considérant que la Cour de céans dans son avis  n°05-HCC/AV du 28 mars 2019 relatif à une demande d’avis du Président de la République sur le rapport entre l’utilisation par un groupement politique d’un slogan aux élections législatives et la violation des dispositions de l’article 49 de la Constitution a déjà expliqué que « la définition formelle de l’activité partisane est la participation effective et active au sein d’un parti ou d’un groupement de partis politiques de deux manières, soit au sein des instances dirigeantes nationales comme le comité directeur, le bureau exécutif, ou en tant que président ou secrétaire général, soit en tant qu’adhérent actif ou militant ; que le Président de la République n’exerce ni une fonction ni des activités au sein du groupement politique « Isika Rehetra Miaraka amin’i Andry Rajoelina » ; qu’il a démissionné du parti TGV ; qu’ il n’y a pas interférence entre la fonction de Président de la République et les activités de ce groupement politique; »

Qu’il en découle qu’en période électorale, le Président de la République ne peut effectivement pas participer directement  à la campagne électorale des candidats aux élections ; qu’à ce titre, il ne peut pas assister aux meeting et défilés organisés par ceux-ci; que cependant le Président de la République, comme tout autre citoyen,  jouit des droits et libertés fondamentales prévus par  l’article 10 de la Constitution notamment les libertés d’opinion et d’expression, de communication, et peut librement émettre son avis sur les affaires nationales notamment sur les élections législatives;

9.Considérant qu’ainsi il est reproché au Chef de l’Etat des propos dans lesquels il exprime ses opinions sur la nécessité d’avoir des collaborateurs ou des élus avec lesquels il peut travailler en toute confiance et dans le but de mettre en œuvre le programme sur lequel il a été élu par le Peuple ; que toutefois ces propos, quoique soulevant parfois des débats, mais exprimés en dehors de tout meeting des candidats aux élections législatives ne sauraient à eux seuls constituer une influence déterminante sur le choix clairement exprimé des électeurs qui restent libres en toute âme et conscience de son choix tant que le secret du vote est garanti par l’existence de l’isoloir ;

Que les tournées présidentielles durant la période de campagne électorale destinée à remettre aux peuples des infrastructures essentielles au quotidien de la population  ne violent pas le principe de la neutralité de l’administration mais entre dans le cadre d’une de ses missions en tant que garant du fonctionnement régulier et continu du service public même en période électorale tel qu’il ressort de l’article 45 de la Constitution ;

Sur le moyen fondé sur la violation de la neutralité de l’administration :

10.Considérant par ailleurs, que selon l’article 63 dernier alinéa de la Constitution « Le Gouvernement dispose de l’Administration. » et que selon l’article 65 -11 de la Constitution: le Premier Ministre, Chef du gouvernement est le Chef de l’Administration ; que cet article impose une réserve à l’administration;

11.Considérant que l’administration désigne un ensemble d’organismes organisés de façon hiérarchique de l’État  allant des ministères aux circonscriptions administratives, ainsi que les établissements publics ; que l’administration a pour mission d’être au service de l’intérêt général, et que le fonctionnement de l’Administration est soumis à une série d’exigences légales qui s’appliquent à l’ensemble des activités de service public, dont la neutralité de l’Administration en période électorale ;

Que l’obligation de neutralité imposée par le législateur dans la loi organique régissant les élections incombe essentiellement à l’Administration ; qu’elle limite la liberté d’expression des agents publics mais protège leur liberté de conscience ; que le principe de neutralité de l’Administration a pour objectif de garantir l’égalité de traitement de l’ensemble des usagers de l’Administration durant la période électorale ; que les dispositions de l’article 61 du régime général des élections concernent principalement le Premier Ministre en tant que Chef de l’Administration ainsi qu’aux agents publics, et par extension les Ministres qui sont à la fois leurs supérieurs hiérarchiques ; que de tout ce qui précède, le Président de la République ne fait pas partie de ladite Administration placée sous l’autorité du Premier Ministre ;

Sur le moyen fondé sur la rupture d’égalité et d’équité entre les candidats :

12.Considérant en premier lieu que le principe d’égalité entre les candidats ou les listes de candidats en matière électorale est garantie par le traitement égalitaire des candidats par l’administration électorale ; qu’à ce titre les candidats ou liste de candidats  avait un représentant dans la formation non permanente de la Commission Électorale Nationale Indépendante ; que le numéro d’ordre attribué à chaque candidat a fait l’objet d’un tirage au sort par la CENI ;

13.Considérant en second lieu que l’article 57 de la loi n° 2018-008 sur dispose que “La campagne électorale est régie par les principes fondamentaux suivants : (…)  l’équité et l’égalité des chances entre tous les candidats (…)” ; que le principe d’équité pendant la campagne électorale se traduit essentiellement par l’accès équitables aux infrastructures étatiques, mais surtout par le partage équitable du temps de parole et de temps d’antenne dans les médias audiovisuels publics afin que chaque candidat ou liste de candidats puisse atteindre le plus grand nombre d’audience ; que le passage à l’antenne tient compte du numéro d’ordre attribué lors du tirage au sort effectué par la Commission Electorale Nationale Indépendante ;que la législation électorale ne différencie pas  les candidats selon leur appartenance politique qu’il soit issu du parti soutenant le  pouvoir en place , celui de l’opposition ou même indépendant  ;

Sur le moyen fondé sur la participation de fonctionnaires à la campagne électorale :

  1. Considérant que l’article 60 de la loi organique n° 2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums dispose que : « Il est interdit à tout fonctionnaire civil ou militaire et agent non encadré de l’Etat et des collectivités territoriales décentralisées, qui sont soumis à des obligations de neutralité, d’assiduité, de plein emploi et d’honnêteté, et sous les peines prévues à l’article 227 de la présente Loi organique pour les infractions en matière de propagande électorale, de participer à la campagne électorale en vue de faire voter pour un candidat, une liste de candidats ou une option» ; que l’article 227 de la même loi organique édicte que : « Quiconque fait une déclaration publique en faveur ou contre un candidat, une liste de candidats ou une option la veille et le jour du scrutin, est puni à une amende de Ar 2.000.000 à Ar 5.000.000.

Tout fonctionnaire civil ou militaire, tout agent non encadré de l’Etat et des collectivités territoriales décentralisées qui participe à la propagande électorale, en vue de faire voter pour un candidat, une liste de candidats ou une option, à ses heures de service encourt les mêmes peines » ; que les fonctionnaires contrevenant aux dispositions susmentionnées encourent une responsabilité personnelle et sont passibles des sanctions pénales  tel qu’il ressort de l’article 227 de la loi organique n° 2008-008, mais aussi disciplinaires prévues par le Statut Général des Fonctionnaires ou le Statut des agents non encadrés de l’Etat ou le Statut particulier selon cas ; que pour que la violation de ces dispositions par certains fonctionnaires puissent entraîner l’annulation de voix ou de suffrages , il doit être prouvé que cette violation est  imputable à la liste de candidat et  a pour effet d’altérer la sincérité du scrutin à défaut  la demande d’annulation des voix obtenues fondée sur ce moyen serait inopérant ;

Sur le moyen fondé sur la corruption électorale, l’achat de voix et les éventuelles pressions exercées sur les électeurs :

  1. Considérant que l’article 233 de la loi 2018-008 du 11 Mai 2018 relative au régime générale des élections dispose que “ Tout vendeur et tout acheteur de suffrage sont condamnés chacun à une amende égale au double de la valeur des choses reçues ou promises. En outre, toute personne qui, à l’occasion d’une élection ou d’une consultation référendaire, a acheté ou vendu un suffrage à un prix quelconque, est privée de ses droits civiques et déclarée incapable d’exercer aucune fonction publique ou interdite d’exercer aucun mandat public électif pendant cinq (5) à dix (10) ans.” ;
  2. Considérant que le contentieux de ces infractions relève des juridictions pénales ; que toutefois compte tenu de la flagrance de certains faits non détachables au déroulement du scrutin et en vertu du principe de la plénitude des compétences en matière électorale tiré de l’article 200 de la loi organique n° 2018-008 Relative au Régime Général des Élections et des Référendums disposant que « La Haute Cour Constitutionnelle statue sur toute requête contentieuse relative à un référendum, à l’élection du Président de la République, aux élections législatives et sénatoriales», que ledit article est complété par l’article 204 qui précise  que : “ (…) Toutes les pièces produites au soutien des moyens doivent être annexées à la requête. Celles-ci peuvent être, soit des documents authentiques ou officiels, soit des témoignages sous forme de déclaration écrite, laquelle peut être autonome ou collective. La déclaration autonome est signée par chaque témoin. La déclaration collective est signée par deux (2) ou plusieurs témoins présents avec mention de leur nom. Ces pièces peuvent être appuyées par tout moyen ou support que le requérant estime utile. La Haute Cour Constitutionnelle ou le Tribunal administratif, selon le cas, apprécie souverainement la force probante des moyens de preuve produits.”
  3. Considérant que la Haute Cour de céans est emmenée à tirer les conséquences juridiques des faits avérés qui ont exercé une influence déterminante sur la sincérité du scrutin ; qu’en cas de fraude, le scrutin n’est annulé que si celle-ci a eu une influence sur le résultat, le juge électoral n’étant pas juge de la moralité du scrutin mais de sa sincérité et donc de l’adéquation entre le résultat proclamé et la volonté majoritaire librement exprimée des électeurs ;

 Que dans cet exercice la Cour de céans apprécie,  au cas par cas chaque recours, en tenant compte de la qualité des auteurs des pressions ou contraintes prétendues pour évaluer leurs capacités de représailles sur les électeurs ; qu’il ne faut pas non plus minimiser l’importance de la corruption passive dans les cas d’achat ou de vente de voix tant que l’électeur demeure maître de son choix dans le secret du vote protégé par l’existence de l’isoloir  garantie du caractère secret et personnel du vote ;

Qu’il convient dès lors de rejeter les requêtes contenues dans l’annexe rejet du présent arrêt fondées sur l’achat de voix et les éventuelles pressions exercées sur les électeurs ;

Sur le moyen fondé sur  l’utilisation de prérogatives de puissance publique :

  1. Considérant que la prérogative de puissance publique s’entend comme la capacité de l’administration à imposer ou ordonner des injonctions à des personnes privées qui peuvent se matérialiser par un acte ou une décision prise par l’administration en vue de favoriser un candidat ou une liste de candidat ;
  2. Considérant que les candidats ayant occupé un haut emploi de l’État et ayant déposé leur démission, n’étant plus une autorité administrative et, par là même, totalement étrangers à l’administration, sont insusceptibles de détenir ou d’user des prérogatives de puissance publique qui consistent en des moyens reconnus juridiquement et utilisés par l’Administration afin de lui permettre de remplir des missions d’intérêt général et ce, en dépit même du consentement des administrés ;
que le ou les candidats en question ne peuvent être tenus pour auteurs des faits à eux reprochés, en l’absence de ladite qualité d’autorité publique, principal critère exigé de l’auteur des faits en cause ;que certaines requêtes fondées sur le moyen tiré de ce que certains candidats démissionnaires usant encore de prérogatives de puissance publique sont rejetées ;
  1. Considérant qu’il appartient au juge de l’élection d’établir en premier le bien-fondé de la violation des principes ci-dessus développés ainsi que la constatation de certaines irrégularités remettant en cause la validité de certains suffrages ou bulletins et ensuite d’apprécier si ces violations et ces irrégularités ont eu un impact sur l’exercice du droit de vote, son caractère secret, la liberté et la sincérité du vote, conditions sine qua non pour entacher la validité de ces suffrages ou bulletins et entraîner leur annulation ;

CONCERNANT L’ANNULATION DE CERTAINS SUFFRAGES :

  1. Considérant ainsi qu’au vu des dispositions légales et des principes évoqués ci-dessus, la Cour de céans a procédé à l’annulation des opérations électorales dans certains bureaux de vote, à l’annulation de certaines voix obtenues frauduleusement par des candidats dans les cas suivants :
  2. Considérant qu’il a été établi que le mandataire de la liste n°3 du district de Maevatanana en Ia personne de ANJARA NATOLOJANAHARY Hanitra Gabriel étant adjoint au Maire chargé des affaires culturelles et sportives a usé des prérogatives de puissance publique  rattachées à sa fonction d’adjoint au Maire pour  rompre l’égalité de traitement des candidats pour l’utilisation des infrastructures de la Commune Urbaine de Maevatanana I lors de la campagne électorale et ce, au profit de la liste de candidat qui l’a mandaté ; que cette violation a eu un impact sur le sens du vote étant donné que la liste n°3 a obtenu des voix considérables dans la Commune Urbaine de Maevatanana I; qu’il convient d’annuler les  1906 (milles neuf cent six) voix obtenues frauduleusement par la liste n°3 dans la Commune Urbaine de Maevatanana I ;
  3. Considérant que le second de la liste n°4 Association Mampiray du district de Fénérive Est Monsieur ROMI Nalson Ruffin étant fonctionnaire en service au Bureau D’Immatriculation Foncière de la Commune Rurale d’Ampasina Maningory du district de Fénérive-Est en promettant pendant la campagne la distribution de terrains gratuitement aux personnes qui voteraient pour la liste à laquelle il appartient a également usé des prérogatives de puissance publique rattachées à sa fonction pour favoriser la liste de candidat à laquelle il appartient; que de tels propos ayant un impact certain sur le sens du vote et le choix de l’électeur lors de l’exercice du droit de vote entraînent l’annulation des voix obtenues frauduleusement par la liste n°4 Association Mampiray dans la Commune d’Ampasina Maningory du district de Fénérive-Est au nombre de 2354 (deux milles trois cent cinquante quatre) ;
  4. Considérant que suivant déclaration en date du 30 Mai 2024 corroborée par l’enquête diligentée par le groupe d’appui à la police judiciaire du Groupement de la gendarmerie Nationale de Vakinankaratra , les délégués du candidat RAMILISON Nomenjanahary ont entravé l’exercice du droit de vote dans le bureau de vote n°140 609 110 101 dans le Fokontany d’Ambero Tsaramody Commune de VINANINONY Sud district de Faratsiho; que ces faits imputables aux délégués du candidat n°3 sont de nature à entacher la sincérité du scrutin ; qu’il convient d’annuler les voix obtenues de manière frauduleuse par le candidat n°3 dans ledit bureau de vote au nombre de 142 (cent quarante deux );

25.Considérant que le candidat indépendant n° 1 RAKOTOARIVELO Philibert dans le district de Moramanga a effectué une propagande la veille et le jour du scrutin suivant des témoignages et preuves jugés probants par la Haute Cour, notamment la distribution d’argent, la pose d’affiches et le port de casquettes et T-shirts portant son nom ; qu’un grand nombre de voix ont été enregistrées frauduleusement en sa faveur ;

Que de tels faits mettent en cause les principes de sincérité du vote et de l’égalité des candidats ;

Considérant ainsi qu’il convient d’annuler 770 voix obtenues par le candidat n° 1 dans les bureaux de votes suivants :

– BV n° 510 514 010 102 EPP Alarobia Andapa salle 2, fokontany Alarobia Andapa, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 010 101EPP Alarobia Andapa salle 1, fokontany Alarobia Andapa, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 030 102 EPP Ampilanonana salle 2, fokontany Ambohimiarina, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 050 102 EPP Ankazondandy salle 2, fokontany Ankazondandy, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 050 101 EPP Ankazondandy salle 1, fokontany Ankazondandy, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 060 102 EPP Beparasy salle 2, salle 2, fokontany Beparasy, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 060 101 EPP Beparasy salle 1, salle 1, fokontany Beparasy, Commune Mangaricotra ;

– BV n° 510 511 020 102 EPP Antaniditra salle 2, fokontany Ambilobe, Commune Antaniditra ;

– BV n° 510 511 020 101 EPP Antaniditra salle 1, fokontany Ambilobe, Commune Antaniditra ;

 

CONCERNANT L’ANNULATION DES RESULTATS DANS CERTAINS BUREAUX DE VOTE :

  1. Considérant que le déroulement des opérations électorales dans les bureaux de vote cités en annexe annulation sont sujets à caution ; que les preuves versées au dossier notamment les actes d’huissier et les procès-verbaux d’enquête préliminaire établis le jour même de l’ élection ont fait état de déplacement de bureaux de vote sans autorisation, de non scellage des plis électoraux (article 184) , de fermeture des bureaux de vote en dehors des heures légales (article 147) , de bourrage d’urnes (article 152) ,de dépouillement hors bureau de vote (article 165) , de vote effectué par procuration au profit d’un chef de famille ou par des mineurs (article 148) , d’inexistence de l’isoloir (article 155),de procès-verbaux remplis par des membres de la Commission Electorale Communale (article 177 et 178) ;
  2. Considérant que le Procès-verbal de constat et de descente sur les lieux en date du 30 mai 2024 établi par les autorités administratives locales composées du Chef du District de Vondrozo, du Président de la Section de Recensement Matériel de Vote , du Représentant de la Commission Electorale Nationale Indépendante au niveau du District, de l’Adjoint de la Brigade de la gendarmerie de Vondrozo, du Maire et du Chef d’Arrondissement fait état des irrégularités telles que les signatures  en blanc des Procès-verbaux par les délégués  le soir même du jour de l’élection pour  ne recevoir les Procès-verbaux remplis à eux destinés que le lendemain ;
  3. Considérant que ces irrégularités ont eu un impact sur l’exercice du droit de vote, son caractère secret, la liberté et la sincérité du scrutin entachant ainsi la validité de l’élection ; qu’elles entraînent l‘annulation des résultats dans les bureaux de vote cités en annexe annulation ;

CONCERNANT L’ANNULATION DES RESULTATS FONDEE SUR LA NON DISPONIBILITÉ DES DOCUMENTS ELECTORAUX :

  1. Considérant que la non disponibilité des documents électoraux originaux constitue un obstacle au contrôle par la Haute Cour Constitutionnelle de la sincérité de l’ensemble des opérations électorales ; que plusieurs plis électoraux ayant fait l’objet de contrôle par la Haute Cour Constitutionnelle suite à un constat d’irrégularités sur le procès-verbal ne comportaient pas de bulletins de vote et/ou de listes électorales ; que cette indisponibilité empêche le redressement desdits procès-verbaux par la Haute Cour ; qu’en conséquence, les élections au niveau des bureaux de vote concernés sont annulées ;
  2. Considérant qu’eu égard à l’annexe n°7 de la délibération n°071/CENI/D/2024 du 11 Juin 2024 portant arrêtage et publication des résultats provisoires des élections législatives faisant état des bureaux de vote concernés par l’incendie dans le district de Tsihombe, la Cour n’est pas en mesure d’exercer son contrôle ; qu’il y a lieu d’annuler les résultats dans lesdits bureaux de vote ;

CONCERNANT LE CONTROLE SYSTEMATIQUE DE LEGALITE :

  1. Considérant que selon les dispositions du dernier alinéa de l’article 48 de la loi organique n°2018-010 relative à l’élection des Députés de l’Assemblée Nationale, « lors du contrôle des procès-verbaux des bureaux électoraux et des Sections de recensement matériel des votes, la Haute Cour Constitutionnelle, en l’absence de tout recours, peut se saisir d’office lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation des dispositions législatives et règlementaires, ou pour d’autres motifs d’ordre public » ; qu’en conséquence, la Haute Cour de céans a procédé à une vérification systématique des plis électoraux de tous les bureaux de vote cités en annexe redressement systématique qui lui sont parvenus ;
  2. Considérant que les requêtes tendant à l’intégration de voix soit disant omises par la Commission Électorale Nationale Indépendante lors de leur décompte ont été résolues par le contrôle systématique des procès-verbaux effectué par la Haute Cour de céans ;
  3. Considérant que dans le cadre de ce contrôle, la Haute Cour Constitutionnelle a utilisé des techniques précises pour apprécier la portée du doute qui peut entacher la validité des suffrages ou bulletins ; qu’elle a procédé ainsi, dans certains cas, à un nouveau décompte des suffrages et en a déduit la confirmation ou la réformation des résultats des bureaux de vote concernés ; que dans le même esprit, elle a procédé à un nouveau décompte des bulletins blancs et nuls avec une validation des bulletins exprimant clairement le choix de l’électeur ;

CONCERNANT LE NON-LIEU A STATUER

  1. Considérant que s’il est de principe fondamental que l’instance doit être menée jusqu’à son terme, celle-ci peut s’arrêter lorsqu’un de ses éléments essentiels disparaît ; que la Haute Cour de céans a procédé, lors du contrôle systématique de légalité, à la rectification d’erreurs ou de discordances qu’elle a pu relever conformément à la loi ; que les requêtes tendant à faire examiner de nouveau des faits déjà traités, entre autres les requêtes aux fins de contrôle et de vérification de procès-verbaux des bureaux de vote deviennent sans objet ; que dans ces conditions, il n’y a plus lieu à statuer sur leur bien-fondé ;

CONCERNANT LES PROCES-VERBAUX DE CARENCE

  1. Considérant que la liste des procès-verbaux des Sections de Recensement des Matériels de Vote parvenus à la Haute Cour Constitutionnelle fait ressortir l’existence de trois procès-verbaux de carence ; qu’aucun résultat ne peut être validé pour les bureaux de vote suivants :
  • BV 330 117 070 101 EPP Anara salle 1 Fokontany Anara Commune Vohitsaoka District d’Ambalavao Région Haute Matsiatra ;
  • BV 350 213 070 101 EPP Vohitrarivo Salle 1 Fokontany Matsaratsara Commune Ampasipotsy Sud district Manakara Région Fitovinany
  • BV 430 201 080 101 EPP Masama Fokontany Masama Commune Antsalova District Antsalova Région Melaky ;

Par ces motifs,

LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE
A R R Ê T E
 

Article premier. –Les requêtes en contentieux des élections législatives du 29 mai 2024 font l’objet des arrêts suivants :

  • Arrêt n°27-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à l’irrecevabilité des requêtes concernant les élections législatives du 29 mai 2024 ;
  • Arrêt n°28-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à des rejets de requêtes concernant les élections législatives du 29 mai 2024 pour insuffisance ou défaut de preuve ;
  • Arrêt n°29-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à des infractions pénales lors des élections législatives du 29 mai 2024 ;
  • Arrêt n°30-HCC/AR du 27 juin 2024 relatif à des requêtes en disqualification de candidats lors des élections législatives du 29 mai 2024 ;

Article 2Les  1906 voix (mille neuf cent six) obtenues de manière irrégulière par le candidat  n° 3 dans les bureaux de vote de la  Commune Urbaine de Maevatanana I District de MAEVATANANA sont annulées.

Article 3Les 2354 (deux milles trois cent cinquante quatre) voix obtenues de manière irrégulière par la liste de candidats n°4 dans tous les bureaux de vote de la Commune d’Ampasina Maningory District de Fenerive Est  sont annulées.

Article 4 : Les  142 (cent quarante deux) voix obtenues de manière irrégulière par le candidat n°4 dans tous bureaux de vote du fokontany Ambero Tsaramody, Commune Vivaninony Sud, district de Faratsiho sont annulées ;

Article 5 : Les 770 voix obtenues par le candidat n° 1 dans le district de Moramanga dans bureaux de votes suivants :

– BV n° 510 514 010 102 EPP Alarobia Andapa salle 2, fokontany Alarobia Andapa, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 010 101EPP Alarobia Andapa salle 1, fokontany Alarobia Andapa, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 030 102 EPP Ampilanonana salle 2, fokontany Ambohimiarina, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 050 102 EPP Ankazondandy salle 2, fokontany Ankazondandy, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 050 101 EPP Ankazondandy salle 1, fokontany Ankazondandy, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 060 102 EPP Beparasy salle 2, salle 2, fokontany Beparasy, Commune Mangarivotra ;

– BV n° 510 514 060 101 EPP Beparasy salle 1, salle 1, fokontany Beparasy, Commune Mangaricotra ;

– BV n° 510 511 020 102 EPP Antaniditra salle 2, fokontany Ambilobe, Commune Antaniditra ;

– BV n° 510 511 020 101 EPP Antaniditra salle 1, fokontany Ambilobe, Commune Antaniditra sont annulées ;

Article 6 .- Les résultats des bureaux de vote mentionnés dans les considérants 26, 27, 28, 29, 30 et énumérés dans les annexes annulation et redressement sont annulés ;

Article 7 : Prend acte de l’existence de requêtes non contentieux énumérées dans l’annexe dossier non contentieux ; 

Article 8.– Les résultats des bureaux de vote figurant au Considérant 35 sont invalidés ;

Article 9Sont déclarés élus Députés de Madagascar, membres de l’Assemblée Nationale, les candidats suivants : TELECHARGER ICI

Le présent arrêt sera notifié au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, au Président de l’Assemblée Nationale par intérim, au Président du Sénat, publié sur le site internet de la Haute Cour Constitutionnelle et au journal officiel de la République et affiché au siège de la Haute Cour Constitutionnelle.

Ainsi délibéré en son siège pour être proclamé en audience publique le jeudi vingt-sept juin de l’an deux mille vingt-quatre à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia, Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef